DECORTIQUAGES

Littoral : Xynthia a dramatiquement démontré la très faible culture du risque en France

SENAT

par François CALVET et Christian MANABLE, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales

Le 28 février 2010, la tempête Xynthia ravageait le littoral atlantique, laissant derrière elle un sinistre bilan. En mars 2010, le Sénat réagissait très rapidement en constituant une mission d’information qui s’est interrogée sur l’ensemble des circonstances susceptibles d’expliquer l’ampleur de ces conséquences, ainsi que sur les fondamentaux de la politique protection des populations contre les risques d’inondation ou de submersion marine. Dès l’été 2010, cette mission dressait un constat : le drame aurait pu être évité, et formulait des propositions concrètes pour éviter son renouvellement.

Cinq ans après, la délégation aux collectivités territoriales a jugé nécessaire de faire le point.

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REUTERS/Régis Duvignau

Xynthia a mis en lumière de graves défaillances dans la chaîne de gestion du risque

Les conclusions de la mission d’information sénatoriale sont sans appel : « si la tempête était inévitable, ses conséquences aurait pu être minorées ». Nos collègues ont pointé cinq domaines : « une prévision qui n’a pas permis d’anticiper correctement les risques à terre ; une vigilance insuffisamment opérationnelle ; une prévention incomplète du risque de submersion marine ; une occupation des sols exposant au risque d’inondation ; un entretien très inégal des digues privées et publiques ».

Pourtant, depuis la loi de 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels, de nombreux instruments ont été développés pour permettre une bonne coordination des acteurs dans la prévention des risques « favoriser le dialogue entre les parties prenantes et faciliter l’instruction des dossiers ». Ces instruments auraient donc dû, en principe, assurer une gouvernance satisfaisante du système de prévention des risques. Malheureusement, comme l’ont relevé nos collègues, la « confusion des compétences » entre les acteurs de la zone sinistrée a entrainé des « blocages » ayant contribué aux effets dramatiques de la tempête.

a) L’inefficacité de la planification urbanistique
(1) Une fragmentation pénalisante des outils relatifs aux risques

La mission d’information relève tout d’abord la difficulté d’instaurer une approche globalisée des risques du fait de l’absence d’articulation entre la législation concernant la prévention des risques (code de l’environnement) et celle relative au droit des sols(régi par le code de l’urbanisme).

Il existe en effet une distinction presque imperméable entre l’urbanisme et la gestion des risques naturels. Selon Jean-Bernard Auby, cette dualité entre les codes donne naissance à une « pluralité excessive de documents » : plans de prévention des risques d’inondation (PPRI), plans locaux d’urbanisme (PLU), plans d’action pour la prévention des inondations (PAPI), plans communaux de sauvegarde (PCS), etc. Cette fragmentation découle largement de la sectorisation du droit correspondant à ces instruments : code de l’environnement pour les PPRI et les PAPI, code de l’urbanisme pour les PLU, et code général des collectivités territoriales pour les PCS notamment.

Nos collègues ont constaté que cette situation crée des zonages concurrents, voire contradictoires, et suscite à la confusion pour les usagers. C’est dans ce sens que votre délégation formule une recommandation visant à la simplification de ces instruments juridiques (recommandation n° 6).

(2) Une planification urbanistique insuffisante

Selon la mission, « les risques naturels n’ont pas été ignorés, mais négligés ». En effet, en dépit d’un atlas des zones submersibles dans l’estuaire du Lay élaboré par la Direction départementale de l’équipement (DDE) et porté à la connaissance des élus locaux et de la population dès 2002, il y a eu une réelle « sous-estimation du risque inondation », qui tenait à l’obsolescence, voire pire, à l’absencedes documents d’urbanisme.

(a)  Une couverture trop faible des territoires en plans de prévention des risques d’inondation (PPRI)

Le constat est accablant : « les communes des côtes atlantiques les plus touchées par la tempête n’étaient pas dotées de PPRI » alors même qu’elles étaient particulièrement exposées au risque de submersion. La commune de La Faute-sur-Mer en particulier n’était pas dotée d’un PPRI approuvé, alors même que le préfet en avait prescrit un dès novembre 2001. Devant les difficultés à obtenir son approbation, celui-ci avait même décidé l’application anticipée de certaines dispositions de ce plan début 2007. En réponse, un courrier du maire de la Faute-sur-Mer avait été envoyé au préfet en mars 2007 afin de faire part de sa « profonde déception à la lecture du règlement et du plan de zonage qui y est associé ».

Les retards dans l’approbation des PPRI, en partie dus aux réticences des élus locaux ou des habitants, illustrent donc bien le manque d’anticipation du risque d’inondation. La mission interministérielle de mai 2010 sur la tempête Xynthia reconnaissait elle-même « de sérieuses carences sur le plan local de la politique nationale de prévention nationale des risques naturels ».

Cette situation s’explique également par la longueur et la complexité de la mise en oeuvre des plans de prévention des risques d’inondation (PPRI) : ils relèvent certes de la compétence de l’État, mais celui-ci les détermine à l’issue d’une procédure voyant se succéder de multiples phases (étude, élaboration, concertation avec les collectivités territoriales, les administrations concernées et la société civile).

Après évaluation, votre délégation prend bonne note des progrès réalisés en matière de couverture des territoires par les PPRI, comme cela lui a été souligné par Jean-Marc Michel, directeur de l’aménagement au sein de la Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN).

(b) Les défauts ou l’absence de plans communaux de sauvegarde (PCS)
Les plans communaux de sauvegarde (PCS) ont été créés par la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile pour couvrir théoriquement l’ensemble des risques dont l’occurrence est envisageable localement. Élaborés sous la responsabilité de chaque municipalité, ils recensent les moyens pour assurer l’alerte, l’information et la protection de la population. Le décret d’application de la loi du 13 août 2004 rendait la mise en place d’un PCS obligatoire avant le 13 septembre 2007 dans les communes dotées d’un plan de prévention des risques (PPR) approuvé ou d’un plan particulier d’intervention (PPI).

Déjà en mai 2010, la mission d’inspection interministérielle relevait l’absence de dispositions opérationnelles dans les plans communaux de sauvegarde, comme par exemple la désignation de lieux de mise en sécurité de la population en cas de sinistre. Et, ainsi que l’ont relevé nos collègues, « paradoxalement, ces plans sont quasi inexistants dans les zones les plus exposées». Cette situation s’est vérifiée pour les communes les plus exposées à la tempête puisque sur les 69 communes vendéennes qui devaient être couvertes par un PCS, 49 d’entre elles étaient dépourvues d’un tel document, et pour ceux qui avaient été établis, ils étaient souvent incomplets. À l’échelle nationale, la mission d’inspection interministérielle de 2010 relevait, pour sa part : « Selon l’enquête annuelle de 2009, sur la base des renseignements fournis par 74 préfectures (représentant 26 407 communes), seules 1 474 communes avaient réalisé un plan communal de sauvegarde sur les 7 660 soumises à l’obligation légale de le réaliser, soit moins de 20% ». Dès lors, la mission appelait à l’élaboration de plans communaux de sauvegarde simples et opérationnels.

Depuis lors, votre délégation a pu constater que la situation sur le territoire vendéen s’est considérablement améliorée, ce qu’a confirmé Bruno Retailleau lors de son audition devant vos rapporteurs : « En Vendée, depuis la tempête Xynthia, toutes les communes du littoral et du rétro-littoral ont engagé l’élaboration d’un PCS ».

D’ailleurs, au niveau national, votre délégation relève que la proportion des communes ayant réalisé un plan communal de sauvegarde par rapport à celles soumises à cette obligation constitue désormais un indicateur budgétaire

2011
Réalisation

2012
Réalisation

2013
Réalisation

2014
Prévision actualisée

2015
Prévision

2017
Cible

Taux d’élaboration des PCS dans les communes soumises
à obligation légale (%)

44 %

51,6 %

60 %

63 %

65 %

70 %

Source : Programme 307, « administration territoriale », PLF 2015

(c) Des Plans d’occupation des sols (POS) non actualisés pour tenir compte du risque d’inondation

Les PPR ne sont pas les seuls documents permettant de tenir compte des risques naturels dans les autorisations d’urbanisme. Il revient aussi au Plan local d’urbanisme (PLU) ou au Plan d’occupation des sols (POS) de faire obstacle à la délivrance d’un permis de construire en déclarant certaines zones inconstructibles lorsqu’un risque existe. Or, en 2010, « la planification urbanistique des zones concernées par la tempête était largement obsolète».

En effet, les communes touchées par la tempête étaient, le plus souvent, couvertes par un POS n’ayant pas été actualisé pour tenir compte du risque de submersion marine. C’était en particulier le cas du POS de La Faute-sur-Mer, qui a permis de classer en zone urbanisable à court terme le secteur où ont été construits des lotissements lourdement endommagés par Xynthia.

Sur ce point aussi, votre délégation se félicite de la récente accélération du rythme de révision des PLU, ainsi que cela lui a été indiqué par Jean-Marc Michel, directeur de l’aménagement à la DGALN : « Ce rythme va s’accélérer pour plusieurs raisons : la fin des POS au 1er juillet 2015 du fait de la loi ALUR, ou le 27 mars 2017 si la révision a débuté ; le caractère intercommunal des nouveaux PLU qui provoquera la révision des PLU voisins ; l’obligation de révision des SCOT pour prendre en compte les nouveautés du Grenelle de l’Environnement, et l’obligation de compatibilité des PLU avec les SCOT emportant révision des PLU ».

b) La problématique de la délivrance des permis de construire
(1) Une occupation sans permis des zones dangereuses

La mission a pointé un grave problème local en matière d’occupation des zones dangereuses : « De nombreuses maisons ont été édifiées sans permis et parfois même sur le domaine public maritime de l’État ». À chaque fois, les habitations étaient implantées directement sur le front de mer, autrement dit dans une zone exposée au risque de submersion marine.

C’est un problème auquel sont confrontés de nombreux élus locaux dans les territoires : de simples cabanes (habitations légères de loisirs ou HLL) deviennent avec le temps et à force de consolidation par leurs propriétaires, de véritables habitations pérennes. Nombre de maires doivent donc faire face à des situations délicates, la procédure pour obtenir la destruction des constructions illégales étant souvent très longue et nécessitant l’intervention d’une multiplicité d’acteurs.

Après évaluation, votre délégation déplore qu’aucune initiative de simplification n’est intervenue dans ce domaine, c’est pourquoi elle formule une recommandation visant à faciliter cette procédure (recommandation n° 9).

(2) Des permis de construire délivrés en zones dangereuses

Nos collègues ont même relevé que des « permis de construire ont été délivrés dans des zones dangereuses », en raison surtout d’un « processus de délivrance des permis de construire marqué par une multiplicité d’acteurs qui y concourent ». Cette mauvaise coordination, a fortiori entre des acteurs dont « les missions ne sont pas clairement définies », explique que des permis aient pu être délivrés de façon illégale.

S’agissant des responsabilités, nos collègues dénoncent donc « une nébuleuse d’irresponsabilité collective» car, si les communes ont certes compétence pour délivrer les permis de construire, elles confient généralement l’instruction des demandes aux services préfectoraux, ainsi que le leur permet l’article L 422-8 du code de l’urbanisme. Or, avant la réforme prévue par l’ordonnance du 8 décembre 2005, les communes pouvaient bénéficier des services de la DDE pour la délivrance des permis de construire (depuis 2007, seules celles de moins de 10 000 habitants disposent d’une assistance des services de l’État, les autres communes ne pouvant plus les solliciter que de manière « ponctuelle », dans des cas particulièrement justifiés).

Les communes sinistrées par Xynthia étaient bien sous le régime antérieur à 2007. Les services de l’État ont donc eu un réel rôle dans la délivrance des permis de construire les plus litigieux, l’instruction des demandes ayant le plus souvent été réalisée par les préfectures pour le compte des communes. Il convient donc de souligner que ces dernières ne sont pas seules impliquées dans la délivrance des permis de construire litigieux.

En outre, d’après la mission d’information, les préfectures se sont souvent bornées à dresser le catalogue des réglementations opposables aux permis de construire, sans insister sur les facteurs de danger pour les populations. Par ailleurs, les représentants de l’État n’ont que rarement déféré les autorisations d’urbanisme au juge administratif, nos collègues soulignant « un réel défaut dans la mission de contrôle de légalité des représentants de l’État ». Parallèlement, la commission départementale des sites a régulièrement approuvé la construction de lotissements dans des zones dangereuses.

Au total, les défaillances en matière de permis résultent d’une responsabilité collective : « plutôt que l’action des maires, des préfectures, des pétitionnaires ou encore des commissions saisies pour avis, la gouvernance du système de délivrance des autorisations d’urbanisme dans son ensemble a contribué, en confondant et en diluant les responsabilités de chacun, à exposer les populations à des risques naturels mortels ».

La fin de l’instruction des permis de construire par les services déconcentrés de l’État à partir du 1er juillet 2015 pour les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale de plus de 10 000 habitants va, dans les faits, pour un grand nombre de communes, mettre fin à cette confusion des responsabilités, d’autant plus si le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République relève le seuil des intercommunalités.

C’est dans ce nouveau contexte réglementaire que votre délégation souhaite un renforcement du contrôle de légalité et présente une recommandation en ce sens (recommandation n° 8).

c) Un défaut général d’entretien des digues

La mission d’information sénatoriale a également pointé « un entretien défectueux des digues ». Cette situation tient à la complexité du régime des digues, qui fait intervenir une multiplicité de propriétaires (État, collectivités territoriales, associations, propriétaires privés). À titre d’exemple, le préfet de Vendée a ainsi souligné que le département comptait 99 maîtres d’ouvrages différents dont les deux tiers étaient des associations syndicales autorisées (ASA) qui étaient dépassées par la charge d’entretien. Dans certains départements, se pose même le problème de « digues orphelines », pour lesquelles il est impossible de retrouver les propriétaires. De manière générale, la mission d’inspection interministérielle de mai 2010 relevait la difficulté à recenser l’ensemble des ouvrages et à en identifier de manière certaine et complète les intervenants. Nos collègues ont ainsi retenu un partage des responsabilités dans le défaut de défense contre le risque de submersion marine.

En effet, en application de l’article 33 de la loi du 16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais, c’est bien aux propriétaires riverains que revient la responsabilité de la protection contre les inondations, notamment en ce qui concerne les digues lorsque lestravaux de défense contre la mer ne présentent pas de caractère d’intérêt général. Les propriétaires doivent donc en théorie exécuter les travaux d’entretien des digues. De son côté, l’État est seulement chargé de vérifier la bonne exécution par le propriétaire de ses obligations, au moyen de visites techniques. Lorsque les travaux présentent un caractère d’intérêt général, la législation prévoit toutefois que ce sont les collectivités territoriales et leurs groupements qui les prennent en charge.

Mais sur le terrain, les collectivités et l’État sont souvent amenés à se substituer aux propriétaires, qui n’ont pas toujours les moyens financiers suffisants, sans compter que ce dernier a « tendance à se désengager du financement de la défense contre la submersion marine ». Les collectivités territoriales ont même dû, dans les communes sinistrées par Xynthia et face à l’urgence de la situation, notamment dans la perspective des grandes marées de mars 2010, financer en urgence l’entretien des digues selon leurs moyens, et ce alors que le coût du renforcement ou de la construction d’une digue est estimé entre un à deux millions d’euros par kilomètre. Bien que l’État participe à hauteur de 40% à 50% à la reconstitution des digues, le reste à charge pour les collectivités territoriales, notamment pour les communes, reste important. Ainsi, le maire de La-Faute-sur-Mer a indiqué à vos rapporteurs que son « reste à charge » s’élevait à 30% du montant total des travaux, un montant important pour le budget de cette commune, d’autant plus que suite à la tempête, elle a perdu 37% de sa dotation globale de financement. En outre, lors de leur déplacement, vos rapporteurs ont été interpellés par l’association des maires et présidents de communautés de Vendée à propos de la lenteur de réalisation des travaux : 76 km de travaux sont programmés en Vendée dans le cadre des PAPI. En 2013, seulement 2 km de travaux avaient été effectués ; en 2014, 8 km supplémentaires ont été réalisés. 32 km sont programmés pour 2015-2016, et 34 km pour 2017-2020.

Après évaluation, votre délégation prend note des initiatives et actions intervenues afin d’assurer un entretien satisfaisant des digues, tant en matière de financement qu’en matière de gestion. Ainsi, vos rapporteurs se sont vu confirmer lors de leur déplacement qu’il n’existait désormais plus de « digues orphelines » en Vendée.

d) L’inefficacité d’un système d’alerte vétuste

La mission sénatoriale d’information a enfin mis en avant les défaillances du dispositif français d’alerte, jugé « vétuste et mal adapté aux risques d’aujourd’hui », du fait notamment de l’archaïsme intrinsèque du dispositif datant de 1954 (alerte phonique par le biais de sirènes, hétérogénéité des équipements matériels à la disposition des départements).

Par ailleurs, les bulletins d’alerte, nationaux ou régionaux, n’ont pas suffisamment anticipé la nature et l’intensité de la tempête, empêchant d’appréhender toute l’ampleur du risque. L’alerte s’est donc organisée de façon improvisée et variable selon les communes. Certains messages se sont avérés contre-productifs et même mortels.

Après évaluation, le réseau national d’alerte (RNA) étant actuellement en cours de modernisation, comme l’a indiqué Philippe Le Moing-Surzur, sous-directeur de la planification et de la gestion des crises au ministère de l’Intérieur, lors de son audition. Il précise que « 2 830 sirènes sont actuellement en cours d’adaptation (réadaptation d’anciennes sirènes et création de nouvelles) dans le cadre de la première phase de modernisation du dispositif d’ensemble qui comptera au total 5 000 sirènes sur le territoire ». Par ailleurs, le ministère de l’Intérieur a lancé, en 2011, le marché pour la mise en place d’un système d’alerte et d’information de la population « moderne, complet et multicanal ».

Si votre délégation prend bonne note de cette modernisation des sirènes, elle regrette toutefois que les outils de transmission de l’alerte n’aient pas été davantage perfectionnés et présente une recommandation en ce sens (recommandation n° 10).

3. Plus largement, Xynthia a dramatiquement démontré la très faible « culture du risque » dans la gestion du littoral
a) Une pression démographique sur un littoral exposé à des risques croissants

La concentration de population sur les côtes n’est pas une spécificité française, 40 % de la population mondiale vivant actuellement sur le littoral. Mais en France, la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR) indique que non seulement la dynamique démographique du littoral est 2,5 fois plus élevée que sur l’ensemble du territoire, mais qu’il y a aussi une forte tendance à la croissance des populations des communes littorales métropolitaines.

Au-delà de la pression démographique, le littoral français doit aussi gérer une élévation continue du niveau de la mer. Comme l’ont rappelé Philippe Ledenvic et Christian Pitié, membres du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) devant vos rapporteurs, « l’effet des phénomènes météorologiques exceptionnels est, sur le littoral atlantique français, nettement plus important (de l’ordre de 1,50 m de surcote) que celui de l’élévation du niveau des océans (0,60 m possible à la fin du siècle) ».

Cette occurrence croissante des phénomènes météorologiques extrêmes tient évidemment au réchauffement climatique. Sur ce point, la mission d’information relevait d’ailleurs avec justesse que « la tempête Xynthia a constitué un évènement naturel d’une ampleur remarquable, mais n’a désormais plus rien d’exceptionnel, au regard de la multiplication des épisodes climatiques extrêmes ». Un large consensus scientifique tend à démontrer que ces phénomènes climatiques seront de plus en plus nombreux et de plus en plus violents, et la tempête Xynthia doit nous faire prendre conscience des risques à venir.

b) Une culture du risque insuffisante en France
(1) Une culture du risque insuffisamment développée s’agissant de la submersion marine
La mission d’information souligne que « sans culture du risque, il n’y aura ni anticipation ni gestion des inondations ». Cette situation est pénalisante dans l’alerte car elle impacte la phase de l’évacuation. Or, cette absence de culture du risque est largement surmontable.

Les carences françaises sont connues et tiennent :

– à la sensibilisation insuffisante de la population en comparaison de nos voisins européens où la responsabilité individuelle est encouragée dans le cadre d’une définition collective du niveau de risque acceptable alors que nous comptons trop sur la puissance publique ;

– à l’insuffisance de l’information diffusée aux particuliers ;

– et à une politique française des risques naturels trop cloisonnée (prévention, prévision, alerte, vigilance, secours, protection, indemnisation).

La situation sur le terrain était bien résumée en 2010 par Daniel Canepa, alors président de l’association du corps préfectoral, qui soulignait que, d’une part « les maires, qui sont les premiers responsables, sont soumis aux pressions de leurs électeurs et rechignent à adopter une culture du risque » et, d’autre part, que « les administrés ont trop tendance à croire que l’État finira toujours par intervenir ». Le risque de submersion marine ne fait pas exception, d’autant plus qu’il revêt une spécificité en comparaison du risque de crue auquel il est trop souvent assimilé.

Après évaluation, votre délégation se félicite que de nombreuses initiatives aient été prises dans ce domaine et il lui semble opportun de les renforcer. C’est pourquoi elle formule une recommandation pour développer la culture du risque, notamment de submersion marine (recommandation n° 3).

(2) La directive européenne relative à la gestion des risques

Avant la tempête Xynthia, une politique en faveur d’une meilleure prévention du risque de submersion avait pourtant commencé à être déployée au niveau européen, à travers la directive du 23 octobre 2007 dont l’objectif était d’inculquer un niveau minimum de culture de gestion du risque au sein des États membres.

La méthode de gestion des risques d’inondation retenue reposait sur des principes innovants. Elle prévoyait en effet une gestion globale du risque obligeant les États à concevoir, pour chaque bassin, un plan de gestion des risques d’inondation (PGRI) regroupant l’ensemble des documents de prévision, protection et prévention. Le texte prévoyait également une méthode de recensement des zones à risque reposant sur trois étapes successives. Mais, au moment de la tempête Xynthia, cette directive n’avait pas encore fait l’objet d’une transposition en droit français. À cet égard, le retard dans la transposition, qui devait intervenir au plus tard le 26 novembre 2009, témoigne bien d’une insuffisance de culture du risque dans notre pays.

LE RAPPORT COMPLET

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