CLIMAT

Quel est l’impact des éruptions volcaniques sur le climat

UNIVERSITÉ DE GENEVE
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Les grandes éruptions volcaniques éjectent dans la stratosphère des quantités considérables de soufre qui, après conversion en aérosols, bloquent une partie du rayonnement solaire et tendent à refroidir la surface de la Terre pendant quelques années. Une équipe internatio- nale de chercheurs vient de mettre au point une méthode, présentée dans la revue Nature Geoscience, pour mesurer et simuler avec précision le refroidissement induit.

L’éruption du volcan Pinatubo, survenue en juin 1991 et considérée comme la plus importante du 20ème siècle, a injecté 20 millions de tonnes de dioxyde de soufre dans la stratosphère et provoqué un re- froidissement global moyen de 0,4°C.

Pour quantifier le refroidissement temporaire induit par les grandes éruptions de magnitude supérieure à celle du Mont Pinatubo surve- nues ces 1 500 dernières années, les scientifiques ont généralement recours à deux approches : la dendroclimatologie, basée sur l’analyse des cernes de croissance des arbres, et la simulation numérique en réponse à l’effet des particules volcaniques. Mais jusqu’à maintenant ces deux approches fournissaient des résultats assez contradictoires, ce qui ne permettait pas de déterminer avec précision l’impact des grandes éruptions volcaniques sur le climat. Les refroidissements si- mulés par les modèles de climat étaient en effet deux à quatre fois plus importants et duraient plus longtemps que ce que les recons- titutions dendroclimatiques établissaient. Les écarts entre ces deux approches ont même conduit certains géophysiciens à douter de la capacité des cernes de croissance d’arbres à enregistrer les impacts climatiques des grandes éruptions volcaniques passées et à remettre en cause la capacité des modèles à les simuler fidèlement.

Réconcilier les deux approches

Aujourd’hui, des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE), de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), du Centre natio- nal de la recherche scientifique (CNRS) et du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) sont parvenus à réconci- lier les deux approches et à proposer une méthode capable d’estimer avec précision les effets que pourraient avoir les futures éruptions de forte magnitude sur le climat, pour ensuite mieux anticiper leurs im- pacts sur nos sociétés.

Dans cette équipe pluridisciplinaire, les dendrochronologues ont réa- lisé une nouvelle reconstitution des températures estivales de l’hé- misphère nord pour les 1 500 dernières années. Ils ont analysé la lar- geur mais surtout la densité de cerne d’arbres, qui est très sensible aux variations de température et qui avait été négligée par le passé.

 

Institutions partenaires: Université de Genève, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, Centre national de la recherche scientifique, Institut de recherche pour le développement, Université de Berne, Université de Western Ontario, Université de Cambridge

Les données ont été récoltées à travers tout l’hémisphère nord, de la Scandinavie à la Sibérie, en passant par le Québec, l’Alaska, les Alpes et les Pyrénées. Toutes les éruptions majeures ont ainsi été clairement détectées dans cette reconstitution. Les résultats ont montré que l’année qui suit une grande éruption est caractérisée par un refroi- dissement plus prononcé que celui observé dans les reconstitutions précédentes. Ces refroidissements ne semblent toutefois pas persis- ter plus de trois ans à l’échelle hémisphérique.

Les physiciens du climat ont, quant à eux, calculé le refroidissement engendré par les deux plus grandes éruptions du dernier millénaire, les éruptions du Samalas et du Tambora, toutes deux survenues en Indonésie en 1257 et 1815, à l’aide d’un modèle climatique sophistiqué. Ce modèle prend en compte la localisation des volcans, la saison de l’éruption, la hauteur d’injection du dioxyde de soufre et il intègre un module microphysique capable de simuler le cycle de vie des aéro- sols volcaniques depuis leur formation, suite à l’oxydation du dioxyde de soufre, jusqu’à leur sédimentation et élimination de l’atmosphère. « Cette approche inhabituelle permet de simuler de façon réaliste la taille des particules d’aérosols volcaniques et leur espérance de vie dans l’atmosphère, ce qui conditionne directement l’ampleur et la per- sistence du refroidissement provoqué par l’éruption », explique Mar- kus Stoffel, chercheur à l’UNIGE. Ces nouvelles simulations montrent que les perturbations des échanges de rayonnement, dues à l’activité volcanique, étaient largement surestimées dans les simulations pré- cédentes, utilisées dans le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).

Pour la première fois, les résultats produits par les reconstitutions et les modèles climatiques convergent quant à l’intensité du refroidisse- ment et démontrent que les éruptions de Tambora et du Samalas ont induit, à l’échelle de l’hémisphère nord, un refroidissement moyen os- cillant entre 0,8 et 1,3°C pendant l’été 1258 et 1816. Les deux approches s’accordent également sur la persistence moyenne de ce refroidis- sement évaluée à deux-trois ans. Ces résultats ouvrent la voie à une meilleure évaluation du rôle du volcanisme dans l’évolution du climat.

 

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