DONNEES ET ANALYSES

Guadeloupe : Les enjeux du développement durable

INSEE

par Benhadouche Ali, Insee

Résumé

La Guadeloupe présente des atouts à préserver, mais aussi des fragilités à prendre en compte afin de maintenir ou de rechercher les équilibres pour chacun des volets qui constituent le développement durable : environnement, économie et société. Face à une consommation énergétique croissante dans notre département, le potentiel de développement des énergies renouvelables constitue un enjeu important. C’est également le cas pour l’agriculture, qui devra poursuivre sa mutation vers une agriculture durable et la valorisation des déchets ou l’on note des avancées mais qui dispose encore de marges de progrès importants. La Guadeloupe possède un patrimoine naturel remarquable mais fragile comme en témoigne la dégradation progressive des ressources ou la destruction des écosystèmes. Enfin, si les conditions de vie des guadeloupéens s’améliorent, elles restent encore éloignées des standards métropolitains.

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Les indicateurs de développement durable adaptés à la Guadeloupe, font suite aux cinq finalités du développement durable inscrites dans la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010. Ils sont exposés dans la publication « Des indicateurs pour apprécier le développement durable en Guadeloupe » de juillet 2015 (bibliographie )Pour en savoir plus) et synthétisés ici. Ils représentent autant de balises permettant d’évaluer le progrès économique, l’équité sociale et la préservation de l’environnement actuel mais aussi pour les générations futures. Ils constituent des outils qui permettent aux décideurs nationaux et locaux d’analyser le développement durable en Guadeloupe en termes d’atouts et de faiblesses.

Une consommation énergétique croissante

En termes d’émissions de CO2, la contribution globale de la Guadeloupe est très modeste à l’échelle nationale. Néanmoins, les émissions de CO2 par habitant sont très élevées. Elles proviennent essentiellement de la consommation d’énergie fossile comme le carburant pour les transports et l’électricité produite à partir de fioul et de charbon. En 2013, le contenu carbone du kWh électrique guadeloupéen est de 923 g CO2/kWh, un niveau beaucoup plus important qu’en France métropolitaine (50,6 g CO2/kWh).

Un potentiel de développement pour les énergies renouvelables

La Guadeloupe enregistre une stabilité de sa consommation d’énergie alors que sa production d’énergie renouvelable ne cesse de progresser depuis 2010 pour atteindre 18,5 % du mix électrique (définitions) en 2014. Favorisée par une géographie propice, la production d’énergies renouvelables est dominée par la bagasse et la géothermie. Bien qu’encourageant, ce constat est à relativiser par la production de CO2 qui elle, reste en augmentation.

L’action régionale en matière de développement des énergies renouvelables est tout à fait singulière en Guadeloupe. Comme l’affirme la Loi grenelle 1, le Plan régional énergétique pluriannuel de prospection et d’exploitation des énergies renouvelables de l’utilisation rationnelle de l’énergie (PRERURE) et le Schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE), les énergies renouvelables doivent atteindre 50 % du mix global énergétique de la région d’ici 2020-2030.

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Un patrimoine naturel remarquable…

La Guadeloupe possède un patrimoine naturel et une biodiversité remarquables. L’activité humaine se traduit par une empreinte plus ou moins forte sur les milieux et les espèces. Il convient de la minimiser dans une perspective de développement durable. La richesse des milieux, mais aussi leur niveau de fragilité, leur degré de protection, sont autant d’éléments à appréhender. La qualité de ce patrimoine naturel est également un des déterminants de l’attractivité du département. Que ce soit d’un point de vue identitaire, pour le dynamisme démographique ou pour la vitalité économique, notamment via le tourisme, la préservation du patrimoine est un levier essentiel d’une Guadeloupe durable.

… mais qui montre des signes de fragilité

Toutefois, les évolutions démographiques et économiques, les modes de production, les nouveaux comportements des ménages ont fragilisé ce capital, tout comme au plan national d’ailleurs.

Le volume annuel prélevé pour l’Alimentation en Eau Potable (AEP) augmente chaque année depuis ces cinq dernières années. Entre 2010 et 2012, la quantité prélevée a subi une hausse de 19 %.

Si la qualité de l’eau potable s’est considérablement améliorée, la qualité des eaux brutes reste une préoccupation majeure. Les sources de pollution de l’eau sont nombreuses : pesticides organochlorés, insuffisance du système d’assainissement, rejets industriels, rejets portuaires, lixiviats des décharges sauvages et pollution naturelle. L’insuffisance du système d’assainissement est aussi à l’origine de pollutions.

Néanmoins, la dégradation ou la destruction des écosystèmes met en danger les espèces les plus fragiles. C’est le cas de l’avifaune (définitions) guadeloupéenne très riche mais menacée par les activités humaines. Sur 81 espèces nicheuses répertoriées dans la liste rouge des espèces menacées, 15 sont en danger critique ou en danger d’extinction et 12 sont vulnérables. La principale menace qui pèse sur les oiseaux est la disparition de leur habitat forestier par déforestation et artificialisation des sols, principalement en Grande-Terre.

La Guadeloupe est une île au territoire restreint et la pression foncière y est considérable. Près de 60 % du territoire est couvert par des zones naturelles. La surface occupée par le bâti est passée de 22 % des zones artificielles en 2003 à 30 % en 2009. Le principal changement depuis les années 1990 concerne l’apparition d’un tissu urbain discontinu aboutissant à une compétition pour l’espace entre les territoires agricoles, les espaces urbains et les espaces naturels. Les zones artificialisées sont localisées principalement le long du littoral.

Les eaux usées, les produits chimiques utilisés dans l’industrie et l’agriculture (en particulier le chlordécone dans les années 70), les dépôts sauvages et les aménagements hydrauliques sur les rivières sont la cause d’une raréfaction des crevettes et des poissons. Des espèces exotiques envahissantes et même le braconnage en sont aussi à l’origine. Depuis 2005, le Parc National de Guadeloupe (PNG) permet de suivre l’évolution des peuplements et de mettre en place des mesures pour protéger les espèces.

Quasiment disparues des eaux antillaises à la fin des années 90, du fait d’une surexploitation des stocks au niveau local comme international, les tortues marines, intégralement protégées depuis 1991, semblent aujourd’hui revenir sur les plages de manière plus abondante. Entre 2000 et 2011, les populations de tortues marines ont évolué positivement. Leur présence est un indicateur de qualité des plages puisqu’un bon état écologique leur est nécessaire pour pondre.

Figure 2 – Le bon état de l’eau ne sera pas atteint dans tous les cours d’eau en 2015

Figure 2 - Le bon état de l'eau ne sera pas atteint dans tous les cours d'eau en 2015

Sources : DIREN Guadeloupe .

Une cohésion sociale perceptible

L’indicateur de développement humain (IDH) est un outil important pour la mesure de la cohésion sociale d’un territoire. Il intègre, outre le PIB par habitant, des données qualitatives qui contribuent à la qualité de vie : la santé, appréhendée par l’espérance de vie à la naissance, l’éducation avec le taux d’alphabétisation et le taux brut de scolarisation. Les indices de développement humain (IDH) des DOM sont en retrait de celui observé au niveau national. La Guadeloupe est au 32ème rang mondial pour l’IDH en 2000. C’est surtout le PIB par habitant, exprimé en parité de pouvoir d’achat, qui est à l’origine de cet écart, la richesse produite par habitant étant plus faible, et les prix plus élevés que dans les autres régions. Les départements d’Outre-mer représentent en revanche des îlots de prospérité dans leur environnement géographique immédiat. Les pays voisins affichent tous des IDH inférieurs.

Des inégalités persistantes

L’équité et la solidarité entre les générations risquent d’être mises à mal, du fait du vieillissement de la population guadeloupéenne, le rapport entre les aidants potentiels (les 55-64 ans) et les aidés (les 85 ans et plus) aura tendance à se dégrader. En effet, le vieillissement de la population entraine une modification rapide de la structure de la population. A l’horizon 2040, le taux de dépendance économique des personnes âgées continuerait d’augmenter et atteindrait 69 % (49 % en 2030). En lien avec le vieillissement de la population, il devrait peser sur les politiques publiques notamment sur la prise en charge de la dépendance et l’accès aux équipements et aux soins.

La prévention des risques naturels et technologiques est une des conditions qui permet de réduire la vulnérabilité des territoires. L’archipel guadeloupéen est fortement exposé à d’importants risques naturels géologiques (séismes, mouvements de terrain, éruptions volcaniques, tsunamis) et météorologiques (inondations, cyclones..). Les plans de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) ont été mis en place pour prévenir les menaces de catastrophes naturelles. Cette réglementation va de l’interdiction de construire à la possibilité de construire sous certaines conditions. Ces plans couvrent aujourd’hui l’ensemble des 32 communes de Guadeloupe.

Le risque d’inondation est très présent en Guadeloupe. 15 % de la population est exposée au risque d’inondation par cours d’eau et 10 % au risque de submersion marine. Le plan de gestion des risques d’inondation (PGRI) a été mis en place pour une meilleure prévention à l’horizon 2015.

Des conditions de vie qui s’améliorent mais encore éloignées des standards métropolitains

Certains indicateurs contribuent à objectiver de la qualité de vie, certes imparfaitement, en éclairant l’état de santé, le niveau d’éducation, le niveau de vie ou la satisfaction de la population. Si la qualité de vie s’est améliorée dans notre département, il reste des progrès à réaliser pour rattraper notre retard vis à vis de la France métropolitaine. C’est le cas pour l’espérance de vie en Guadeloupe qui progresse régulièrement mais reste plus faible que celle des métropolitains. En 2011, elle est de 77 ans pour les hommes et de 83 ans et demi pour les femmes. Le taux de mortalité des Guadeloupéens de moins de 65 ans de 2,3 ‰ en 2011 est plus élevé qu’en France métropolitaine (2,0 ‰). En cause, les tumeurs, les accidents et les empoisonnements. La mortalité infantile est également plus importante en Guadeloupe que sur le territoire métropolitain.

Autre composante importante du développement humain et du bien-être, le niveau d’éducation a plus que doublé entre 1999 et 2009 : la part des diplômés du supérieur âgés de 25 à 34 ans ayant fini leurs études est passée à 27 % de la classe d’âge en 2009. Néanmoins, le niveau guadeloupéen reste très en deçà de la moyenne nationale (43 %). En revanche, un point de vigilance s’impose sur la part importante de jeunes guadeloupéens âgés de 18 à 25 ans sortis du système scolaire et sans emploi : près de quatre sur dix en 2011. Ce taux deux fois plus important qu’en France métropolitaine est lié aux difficultés scolaires des élèves et à la situation économique des familles dans un territoire très inégalitaire.

Dans le domaine de l’insertion des jeunes dans la vie active, la formation est un facteur d’adaptation pour faire face aux défis économiques, environnementaux et sociaux. En Guadeloupe, le nombre de stagiaires en formation continue augmente sensiblement entre 2009 et 2010, surtout dans les services et le secteur public.

Une des clés de la réussite de l’économie régionale réside dans la forte présence d’emplois très qualifiés et porteurs : les cadres des fonctions métropolitaines. Ces fonctions à fort rayonnement recouvrent la conception-recherche, la gestion, les prestations intellectuelles, le commerce inter-entreprises, ou encore la culture et les loisirs. Ces emplois stratégiques sont peu présents en Guadeloupe. En 2011, ils représentent 5 760 postes, soit 4,5 % de l’emploi total contre 10,1 % en France métropolitaine. Ils sont concentrés dans les fonctions de gestion et de prestations intellectuelles et sont peu nombreux dans le commerce inter-entreprise et la conception-recherche.

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Des défis pour l’agriculture, une mutation à poursuivre

L’agriculture constitue une des principales ressources de l’île, elle est l’un des facteurs importants du développement social et économique du département. 12 % de la population active est employée dans les exploitations agricoles et l’ensemble des surfaces agricoles représente le tiers de la superficie de l’île. Pour autant, les systèmes de production intensifs suscitent, de la part de la population, des craintes liées à l’intégrité des milieux naturels et à la santé publique. La problématique du Chlordécone a d’ailleurs fortement marqué les esprits.

Réduire les pressions exercées par l’agriculture sur l’environnement tout en préservant sa viabilité économique et sociale est un enjeu majeur. Il passe par un moindre usage des intrants (définitions). Si l’agriculture régionale est amenée à revoir ses usages, elle pratique aussi des modes de production respectueux de l’environnement : agriculture raisonnée, agriculture biologique. Certes, en Guadeloupe, l’agriculture biologique est moins développée qu’en France métropolitaine. Elle occupe 0,5 % de la surface agricole utile (SAU), contre 4 % sur l’ensemble du territoire national. Cependant, malgré un contexte peu favorable, elle a connu une forte progression jusqu’en 2011.

L’agriculture a aussi une vocation environnementale : préservation d’une certaine biodiversité et entretien des paysages qui contribuent à l’attractivité de la région, prévention et limitation des conséquences des risques naturels.

Des marges de progrès importants dans la valorisation des déchets

L’objectif fixé par le Grenelle de l’environnement est de réduire la production d’ordures ménagères et assimilées par habitant de 7 % en 5 ans. La réduction de l’impact environnemental des déchets passe aussi par l’accroissement du taux de leur valorisation par les pouvoirs publics. Tout en gagnant du terrain, en Guadeloupe, ce taux reste en deçà de la moyenne métropolitaine (26,5 % en 2013, contre 45 %). Si l’on considère que 85 % de la population est couverte par un service de collecte sélective des emballages ménagers en 2013, la marge de progrès est grande dans la région : les quantités de déchets stockées en décharge continuent de s’accroître, alors que l’objectif du Grenelle est d’orienter vers les filières de recyclage et de valorisation organique 45 % des déchets ménagers et assimilés en 2015.

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Pour se projeter à long terme, une gouvernance à affirmer

L’engagement d’une démarche Agenda 21 local traduit la volonté d’une ou plusieurs collectivités d’engager leur territoire et leurs habitants dans une démarche d’amélioration continue, guidée par les principes du développement durable.

En Guadeloupe, depuis 2013, 10 collectivités de Guadeloupe (neuf communes et la communauté d’agglomération Cap Excellence, qui regroupe les trois communes de Baie-Mahault, de Pointe-à-Pitre et des Abymes) sont engagées dans une démarche d’agenda 21. Plus d’un tiers de la population guadeloupéenne est concerné par un agenda 21 « de proximité », quel qu’en soit l’état d’avancement. A ce jour, seul l’Agenda 21 de la Désirade est reconnu par le Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie (MEDDE)

 

 

DES INDICATEURS  pour apprécier le Développement Durable en Guadeloupe

Le développement durable s’impose comme une nécessité découlant d’une prise de conscience des bouleversements qui secouent notre monde : crise économique, politique, financière, mais aussi réactions physiques de la planète à nos comportements sur le plan environnemental. Cette stratégie ne se limite pas à respecter l’environnement mais préconise aussi un développement qui prend en compte la raréfaction inéluctable des matières premières et qui respecte une justice sociale pérenne, tout en favorisant le progrès économique et technique.

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