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Sécheresse en Californie : les affaissements du sol s’accélèrent

FUTURA ENVIRONNEMENT

Par Xavier Demeersman

La sécheresse historique qui sévit depuis plus de quatre ans dans l’État le plus peuplé des États-Unis affecte l’agriculture, l’approvisionnement en eau et les écosystèmes. Les incendies de forêt sont plus nombreux, de même que les affaissements des terrains, du fait de prélèvements d’eau souterraine plus importants. Connu depuis plusieurs décennies, le phénomène s’est accéléré, comme le démontrent les données recoupées par le JPL.

Vue aérienne de 2007 d’une partie du réseau California Aqueduct qui achemine l’eau depuis les sources de la Sierra Nevada et des réserves de la vallée du centre de la Californie. Plusieurs segments souffrent d’un affaissement du sol important. © Jelson25, Wikipédia, CC BY-SA 3.0

Vue aérienne de 2007 d’une partie du réseau California Aqueduct qui achemine l’eau depuis les sources de la Sierra Nevada et des réserves de la vallée du centre de la Californie. Plusieurs segments souffrent d’un affaissement du sol important. © Jelson25, Wikipédia, CC BY-SA 3.0

La Californie souffre pour sa cinquième année consécutive d’une sécheresse historique. Dans ces conditions, les forêts sont plus vulnérables que jamais aux incendies. Déclenchés pour beaucoup par la foudre, ces feux de forêt n’ont eu de cesse de s’étendre ces dernières semaines, renforcés par les températures caniculaires et les vents chauds qui sévissent dans l’Ouest américain. Ce sont ainsi plus 28.800 personnes qui combattent ces jours-ci les incendies déclarés à travers 10 États : Arizona, Californie, Caroline du Nord, Idaho, Louisiane, Montana, Nevada, Oregon, Texas et Washington. La situation menaçant de devenir hors de contrôle, le gouvernement a fait appel à 200 soldats supplémentaires, formés en trois jours, pour combattre ces incendies gigantesques. On parle de quelque 29.000 km2 de forêts partis en fumée depuis le début de l’année, soit l’équivalent d’une région comme la Bretagne ou la Bourgogne. Un record depuis 20 ans. Des soldats du feu australiens et canadiens sont également arrivés en renfort.

Face à la pénurie d’eau, l’État le plus peuplé des États-Unis a adopté plusieurs mesures de restrictions pour la consommation (des idées fleurissent, comme le récent pommeau de douche Nebia, pour réduire la consommation de l’eau). Toutefois, pour faire face aux besoins des habitants et ceux de l’agriculture, l’eau continue d’être pompée dans les réserves souterraines de Californie, lesquelles peinent à se renouveler. Ce qui n’est pas sans conséquence sur les sols de ces régions : ceux-ci s’affaissent progressivement et comme l’indiquent les données de ces dernières années analysées par un groupe de chercheurs du JPL (Jet Propulsion Laboratory), cela a tendance à s’accélérer !

« En raison de l’augmentation des pompages, le niveau des eaux souterraines a atteint un nouveau record : 30 m plus bas que les précédents records, a averti Mark Cowin, directeur du Department of Water Resources (DWR). Puisque le vaste pompage continue, le sol continue de s’enfoncer de plus en plus vite et expose les infrastructures à de plus grands risques de dommages coûteux. »

Enfoncement des sols mesurés avec le satellite canadien Radarsat-2 dans la vallée de San Joaquim, au centre de la Californie, entre le 3 mai 2014 et le 22 janvier 2015. Deux « foyers » d’affaissements importants (jaune et rouge) ont été identifiés. L’un proche d’El Nido et l’autre autour de Corcoran. © Canadian Space Agency, NASA, JPL-Caltech
Enfoncement des sols mesurés avec le satellite canadien Radarsat-2 dans la vallée de San Joaquim, au centre de la Californie, entre le 3 mai 2014 et le 22 janvier 2015. Deux « foyers » d’affaissements importants (jaune et rouge) ont été identifiés. L’un proche d’El Nido et l’autre autour de Corcoran. © Canadian Space Agency, NASA, JPL-Caltech

Des affaissements de terrain jusqu’à 5 cm par mois

Comme le rappelle le coauteur de ces recherches, Tom Farr, « un vieux dicton dit : vous ne pouvez pas gérer ce que vous ne pouvez pas mesurer ». Aussi, avec ses collègues, s’est-il enquis des données collectées ces dernières années par le satellite InSAR (Interferometric Synthetic Aperture Radar), capable de mesurer des changements d’élévations au centimètre près. Ils ont également ajouté les observations faites en altitude par certains avions ainsi que les satellites Palsar (Japon) et Radarsat-2 (Canada). Enfin, les scientifiques ont compilé les données acquises entre 2013 et 2015 par UAVSAR (Uninhabited Aerial Vehicle Synthetic Aperture Radar) pour évaluer la situation le long et autour du California Aqueduct (réseaux d’aqueducs : canaux, pipelines, tunnels, etc.) qui achemine l’eau depuis les principales sources californiennes : la Sierra Nevada et les vallées du nord et du centre de l’État.

Là-bas, l’affaissement mesuré au cours de cette période est de 32 cm, dont 20 cm en seulement quatre mois, au cours de l’année 2014. De récents relevés ont en outre indiqué que le long de l’aqueduc près de Fresno, les comtés de Kern et Kings se sont enfoncés de plus de 40 cm en deux ans.

Aux alentours de Corcoran, situé prés du bassin de l’ancien lac Tulare (asséché au début du XXesiècle), la terre s’est abaissée de quelque 33 cm en seulement 8 mois (soit 4 cm par mois). Dans la vallée de Sacramento, certains sites se sont affaissés à un rythme de 1,3 cm par mois, une valeur plus élevée qu’auparavant.

Mesures d’altitudes centrées sur la vallée de San Joaquim, réalisées avec le satellite japonais Palsar, entre juin 2007 et décembre 2010. On retrouve les mêmes « spots » qu’en 2014-2015. © Jaxa, Nasa, JPL-Caltech
Mesures d’altitudes centrées sur la vallée de San Joaquim, réalisées avec le satellite japonais Palsar, entre juin 2007 et décembre 2010. On retrouve les mêmes « spots » qu’en 2014-2015. © Jaxa, Nasa, JPL-Caltech

Le réseau de canaux et de routes menacé

Ces affaissements qui s’accélèrent ont des conséquences non négligeables sur les infrastructures californiennes. Les experts redoutent par exemple que l’ensemble des aqueducs soit trop endommagé. Ainsi le segment qui va de Los Banos à Lost Hills s’est déjà enfoncé de 1,5 m depuis sa construction. La situation est préoccupante aussi pour les ponts, les routes, les puits ou encore les digues qui protègent de possibles crues soudaines. Leurs réparations ont un coût très élevé.

« Les eaux souterraines sont comme un compte d’épargne qui peut aider durant la sécheresse, mais le rapport de la Nasa montre les conséquences d’un prélèvement excessif alors que nous entrons dans la cinquième année d’une sécheresse historique » a commenté Mark Cowin qui invite tous les acteurs locaux « à travailler ensemble pour identifier les moyens de ralentir le rythme des affaissements ».

Mesures cumulées des mouvements verticaux du sol au niveau d’un segment du California Aqueduct, proche de Huron et Kettleman City. Les données ont été recueillies avec UAVSAR, entre juillet 2014 et mars 2015. Les taches rouges et orangées marquent les territoires qui se sont le plus affaissés. © Nasa, JPL-Caltech
Mesures cumulées des mouvements verticaux du sol au niveau d’un segment du California Aqueduct, proche de Huron et Kettleman City. Les données ont été recueillies avec UAVSAR, entre juillet 2014 et mars 2015. Les taches rouges et orangées marquent les territoires qui se sont le plus affaissés. © Nasa, JPL-Caltech

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