ESPACE

L’espace, une vaste poubelle

LES ECHOS

par Yann Verdo

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Une partie des débris qui gravitent dans les parages immédiats de la Terre perdent de l’altitude et rentrent dans l’atmosphère, où la chaleur dégagée par le frottement les volatilise. – Image Nasa

La quantité faramineuse de débris spatiaux et les risques toujours accrus de collision constituent un problème bien réel, qui ne relève pas que du scénario catastrophe à la « Gravity ».

Souvenez-vous. Le commandant de la navette spatiale Explorer, Matt Kowalski (George Clooney), et l’astronaute scientifique Ryan Stone (Sandra Bullock) flottent tranquillement dans l’espace. Communiquant par radio, ils prennent leur temps pour effectuer les réparations prévues sur le télescope Hubble quand, soudain, Houston les prévient d’un problème. Un satellite russe a été détruit par un missile, engendrant un nuage de débris. Ces fragments ont à leur tour percuté d’autres satellites, créant une réaction en chaîne incontrôlable transformant l’orbite basse en véritable champ de tir. Vous connaissez la suite…

Ce scénario catastrophe magistralement mis en scène par le réalisateur Alfonso Cuarón dans le film « Gravity » ne relève pas, à strictement parler, de la science-fiction. La réaction en chaîne transformant la mission de routine de l’équipage d’Explorer en odyssée cauchemardesque a été théorisée, dès la fin des années 1970, par Don Kessler, un chercheur de la Nasa qui lui a légué son nom : le syndrome de Kessler. Et, quelques années avant la sortie du film en 2013, deux incidents pas aussi graves que celui porté sur les écrans, mais assez sérieux tout de même, se sont produits. En janvier 2007, dans le cadre d’un essai qui suscita un tollé sur la scène internationale, les Chinois tirèrent un missile antisatellite sur l’un de leurs propres satellites météo de la classe Fēngyún, provoquant le relâchement dans l’espace d’un essaim de 3.300 débris de taille suffisamment grosse pour être suivis par les radars sur terre. Deux ans plus tard, en février 2009, un satellite de la constellation Iridium a été heurté de plein fouet par un satellite militaire russe obsolète, provoquant là encore un nuage de débris. Certains sont même passés assez près de la Station spatiale internationale…

Dix fois la vitesse d’une balle

C’est pour éviter que ne se reproduisent de telles collisions que les agences spatiales ont récemment renforcé leur arsenal réglementaire. A l’occasion du Salon du Bourget, le CNES a ainsi annoncé la conclusion de deux accords. Le premier, au niveau européen, réunit autour du CNES les agences allemande, espagnole, italienne et britannique, qui ont décidé de mettre en commun les données radar dont disposent leurs pays respectifs au sein d’un consortium pour la surveillance de l’espace. Le second accord a été conclu avec la Nasa, les Américains disposant à eux seuls, grâce au Space Surveillance Network (SSN) géré par l’US Air Force, de plus de données radar que les cinq grands pays européens réunis.  « Les Américains nous fournissent leurs données et nous leur fournissons en retour notre méthodologie pour les exploiter au mieux », explique le président du CNES, Jean-Yves Le Gall, qui souligne que les Français ont acquis une compétence particulière en calcul d’orbite, comme l’a prouvé l’atterrissage réussi (bien qu’acrobatique) du robot Philae sur la comète Tchouri en novembre dernier.

Si une telle coopération internationale est aujourd’hui plus indispensable que jamais, c’est que les quelque 4.500 missions spatiales effectuées depuis la mise en orbite de Spoutnik 1 par l’URSS, en 1957, ont transformé les parages immédiats de la Terre en une vaste poubelle à ciel ouvert.

Une partie de ces débris perdent de l’altitude et entrent dans l’atmosphère, où la chaleur dégagée par le frottement les volatilise.  « Chaque jour, c’est l’équivalent d’une tonne de débris artificiels qui retombe sur terre. Ce chiffre peut paraître grand, mais il est à comparer à celui des météorites, dont les retombées s’élèvent à 100 tonnes par jour », relativise Jean-Yves Le Gall. Heureusement que notre atmosphère constitue un bouclier efficace ! Le risque qu’un de ces débris plus gros que les autres résiste à la rentrée dans l’atmosphère et fuse comme un missile sur une zone habitée paraît extrêmement improbable, même s’il ne peut être totalement exclu.
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