DECORTIQUAGES

Les scientifiques auscultent l’aléa sismique de Santiago du Chili

CNRS

Le potentiel sismique du chevauchement ouest andin, identifié en 2010 comme la structure majeure responsable de la surrection de la chaîne des Andes * était jusqu’à maintenant très mal connu. Une équipe internationale, associant des chercheurs de l’Université du Chili, de l’Institut de Physique du Globe de Paris et de l’IRSN en France, des Universités de San Diego et de Waco aux USA, révèle que le segment de ce chevauchement, localisé au cœur même de Santiago, capitale du Chili, a rompu deux fois, depuis environ 18000 ans, lors de séismes d’une magnitude pouvant atteindre Mw7.5. Cette étude publiée cette semaine dans la revue GEOLOGY montre que la capitale Chilienne est soumise a un risque sismique majeur.

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Les plus grands tremblements de terre se produisent à la limite entre deux plaques tectoniques, le plus souvent dans les zones de subduction. Ces séismes, dont la magnitude peut atteindre et même dépasser Mw 9, génèrent souvent d’importants tsunamis et peuvent être très destructeurs. Le désastre japonais de mars 2011 en est un triste exemple. La subduction de la plaque Nazca sous l’Amérique du Sud au Chili est connue pour avoir elle aussi généré de très grands séismes (Mw 9.5 en 1960, Mw8.8 en 2010, par exemple). Mais ce ne sont pas les seules structures tectoniques dangereuses. Certaines failles associées à la déformation interne des plaques peuvent aussi provoquer de grands séismes très destructeurs, notamment quand ces failles sont proches de grandes villes. C’est en particulier le cas des failles chevauchantes au front des chaînes de montagnes. Evaluer le risque sismique associé à ces failles est donc crucial, mais plusieurs exemples tragiques, comme la catastrophe de Bam en 2003 au sud-est de l’Iran ou celle du Sichuan en Chine en 2008, montrent que cet aléa est la plupart du temps bien identifié seulement après la catastrophe.

L’identification du chevauchement ouest andin comme la structure majeure responsable de la surrection de la chaîne Andine a conduit cette équipe internationale à en étudier le potentiel sismique.

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À la latitude de Santiago du Chili 33°5 S, la chaîne des Andes est étroite (<100km) et représente la structure Andine à un stade primaire de son évolution. Elle est caractérisée, sur son bord ouest, par un système composé de plis de propagation et de failles chevauchantes, dont la faille active de San Ramón qui émerge en surface, à la base des reliefs andins juste au-dessus de la ville de Santiago.

Ce système sʼenracine par le biais d’une grande faille peu inclinée, le chevauchement ouest andin (WAT) avec une structure dite de type rampe et décollement, à la base d’une  série sédimentaire épaisse de 12 km. Plus à l’Est, ce chevauchement ouest andin plonge sous un vaste anticlinal de socle à l’échelle de toute la croûte. Le raccourcissement absorbé par le chevauchement de San Ramón et les plis associés serait de l’ordre de 10 km, depuis 25 millions d’années, ce qui implique une vitesse de glissement moyenne d’environ 0,4 mm par an. Cette vitesse, très lente par rapport à celle, pluri-centimétrique, de la subduction Nazca-Amérique du sud, suggère à priori que les séismes destructeurs s’y produisent après de longs intervalles de quiescence. La récurrence – c’est-à-dire le temps moyen entre deux séismes équivalents –  serait de plusieurs milliers d’années au moins.

L’étude publiée en 2010, concluait que la faille de San Ramón était susceptible de produire des séismes de magnitude importante (Mw 6.9 à Mw 7.4) avec un foyer à faible profondeur (moins de 15km). Elle avait identifié sur le terrain la trace probable de tels séismes passés sous la forme d’un escarpement de quelques mètres de haut. La nouvelle étude qui vient d’être publiée s’est focalisée sur cet escarpement.

Les études de la paléosismicité

Les chercheurs ont ainsi réalisé des tranchées à travers l’escarpement et sont parvenus à mettre à jour et à documenter avec précision deux ruptures sismiques ayant rompu la surface, qui affectent des sédiments déposés au pied du Cerro San Ramón, dans les hauts de la ville de Santiago. En reconstituant la géométrie des unités sédimentaires décalées, ils ont estimé le déplacement co-sismique (glissement quasi-instantané lors du séisme) à environ 5m pour chacune de ces ruptures. Ce qui leur permet d’évaluer à Mw7.5 environ la magnitude pour chacun des  deux séismes.

De nombreux échantillons ont été prélevés pour caractériser et dater précisément les unités sédimentaires décalées. Les chercheurs ont utilisé les techniques de datation au Carbone 14 et par luminescence stimulée optiquement (optically stimulated luminescence – OSL). Ces datations révèlent que les deux tremblements de terre de magnitude 7.5 se sont produits au cours des derniers 17000 à 19000 ans, donc avec une récurrence de l’ordre de 9000 ans. L’étude fine du développement des structures sédimentaires, en particulier celle du sol après le dernier séisme, montre que celui-ci date probablement de 8000 ans environ. La faille de San Ramón n’aurait donc pas rompu depuis cet évènement préhistorique et serait prête à casser à nouveau, soumettant ainsi la ville de Santiago à un aléa important. La proximité de la faille implique que cet aléa, évalué en modélisant l’accélération du sol, est en fait potentiellement plus important que celui lié aux séismes de subduction.
Les conclusions sur l’aléa relié au chevauchement ouest andin, et sur la magnitude des tremblements de terre que cette structure tectonique est susceptible de produire, peuvent être raisonnablement étendues à l’ensemble du front ouest des Andes, depuis le centre-sud Chili, jusqu’au nord Pérou au moins. Plus généralement, ces nouveaux résultats soulignent les dangers potentiels dus aux failles bordant tous les reliefs actifs de par le globe, même si les vitesses tectoniques lentes peuvent y donner une fausse impression de sécurité.

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Relevé détaillé du mur de la tranchée paléosismologique à travers l’escarpement de faille. Les différentes unités sédimentaires sont identifiées par des chiffres romains. Les échantillons datés (OSL, C14) sont localisés. © Vargas et al. 2014

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