DECORTIQUAGES

Chili : le séisme d’Iquique décortiqué

INSU – CNRS

Dans un article publié dans la revue Science du 24 juillet, une équipe internationale sous la direction de chercheurs français  et chiliens * a étudié en détail les événements précurseurs du séisme de Iquique survenu le 1er avril 2014 (Mw 8.1, Nord Chili). Ils ont utilisé les toutes nouvelles données des réseaux sismiques et géodésiques installés par des équipes chiliennes, allemandes et françaises depuis 2007. Ce réseau a été fortement amélioré par l’installation de nouveaux instruments du Centro Sismologico Nacional de l’Université du Chili. Cette coopération a été possible grâce à des financements du programme ECOS, de l’Union Européenne et surtout de l’INSU (CNRS) et l’ANR en France, du GFZ en Allemagne et du Conicyt au Chili. Un cadre formel pour cette collaboration est donné par le Laboratoire International Montessus de Ballore, du nom du chercheur français fondateur de l’observation sismologique au Chili.

 

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Le séisme d’Iquique et ses précurseurs. En haut, une carte de la distribution de glissement figurée par une échelle de couleurs qui varie entre jaune et rouge foncée. Les précurseurs de Mw>5 sont dessinés en couleur grise. Le séisme principal du 1er  avril et sa réplique principale sont représentées avec des étoiles. Sur la même figure les mécanismes au foyer correspondants figurés par des « ballons de plage ».
En bas, une section verticale à travers la ligne AA’ de la figure de gauche. Les précurseurs et le séisme principal se sont produits sur la frontière entre les plaques de l’Amérique du Sud et celle de Nazca qui descend à une vitesse voisine de 7 cm/an. En gris les mécanismes au foyer des précurseurs, tous dus à un mécanisme de type faille inverse.
 
 
 
Le 1er avril 2014, un séisme de magnitude 8.1 frappait le nord du Chili près de la ville d’Iquique au milieu d’une portion de la subduction andine reconnue comme potentiellement dangereuse dès le début des années 70. En effet cette zone a été identifiée comme une lacune sismique, la « lacune du Nord », car aucun tremblement de terre majeur ne s’y était produit depuis 1877. Beaucoup de chercheurs pensaient que le séisme qui allait survenir serait un méga-séisme, « a big-one ». En réalité, le séisme d’Iquique n’a rompu que la partie Nord de la lacune sismique, que nous appelons  Camarones, du nom d’une petite rivière qui réussit à traverser le désert du Nord du Chili à cet endroit.Le séisme du 1er avril a été précédé le 16 Mars par une forte activité de séismes considérés comme précurseurs dans la partie extérieure, sousmarine, de la zone sismogène. En même temps s’amorçait, une variation significative du mouvement continu des sites GPS situés sur le continent. Pour les auteurs, ces observations signifient qu’un séisme lent s’est produit au cours du mois de mars, en même temps que progressait l’activité sismique annonciatrice du séisme du 1er avril.
Une grosse partie du Nord du Chili, sur plus de 400 km de longueur, est l’objet d’un grand intérêt depuis plus de 30 ans. Une partie de cette zone, Camerones, avait été identifiée comme étant à fort couplage depuis 2013*. Si le séisme de 2014 semble n’avoir relâché qu’une partie du glissement accumulé depuis 1877, il a néanmoins été accompagné de nombreux signes annonciateurs. Cette caractéristique exceptionnelle explique que ce séisme concentre l’attention des sismologues et géodésiens.
Le premier d’une série de séismes « précurseurs » de magnitude 6.7 s’est produit le 16 Mars 2014, quelques 50 km au sud de l’épicentre de celui du 1er avril. Ce séisme a déclenché une première alarme qui a mis tout le monde à Iquique dans la rue ; puis il a été suivi de plusieurs autres événements de magnitude 6 qui ont maintenu la population aux abois, jusqu’à l’arrivée du séisme de magnitude 8.1 du 1er avril. Ce séisme a provoqué des dégâts limités, endommageant les routes d’accès de la ville d’Iquique. Quelques immeubles ont également subi des dégâts aux alentours d’Iquique. Mais la grande crainte, un tsunami majeur déclenché par le séisme, ne s’est heureusement pas concrétisée. Quoi qu’il en soit, au moment du séisme, la population d’Iquique avait déjà fuit par précaution vers les terrains plus hauts.
Cette article met en valeur cette coopération et montre que les conditions d’observation sismologiques et géodésiques au Nord du Chili permettent de suivre en détail les processus de préparation d’un tremblement de terre majeur. Depuis juillet 2013 des essaims de séismes se sont produits au large d’Iquique dans une zone située sous la mer à près de 80 km de la côte du Chili. Le 16 mars un important séisme de magnitude 6.7 s’est produit dans la même région où il y avait des essaims. L’activité s’est alors intensifiée avec plusieurs séismes de magnitude supérieure à 6 entre le 22 mars et la fin du mois. En même temps que l’activité sismique s’intensifiait, un mouvement lent des plaques s’est amorcé dans la région où allait se produire le séisme principal.
Au Nord du Chili, à la différence d’autres zones de subduction, la distance entre la fosse et le continent et de l’ordre de 100 km, ce qui permet d’effectuer des observations précises, sans attendre la possible installation d’observatoires sous-marins dans le futur. Les phénomènes précurseurs observés au Nord du Chili ressemblent beaucoup aux modèles tirés d’expériences de laboratoire** où la préparation d’un futur séisme commence par une lente localisation de la déformation dans la zone de rupture du futur séisme. Des observations de plus en plus précises sur les phénomènes précurseurs ont été reportées sur d’autres zones de subduction (notamment au Japon) où le séisme de Tohoku de 2011 a été précédé par une migration rapide de la déformation lente vers la zone épicentrale. 

 

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