VILLES ET CULTURE

Mont de Marsan fait vibrer le Flamenco

NOUVEL OBSERVATEUR

By Raphaël de Gubernatis

 

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De toutes les manifestations d’art flamenco en France, c’est sans doute la plus chaleureuse, la plus intime, la plus vraie, la mieux vécue avec le public. La plus exigeante aussi sur le plan artistique, la plus rigoureuse sans doute dans ses choix qui excluent les pauvres divagations d’un Israel Galvan, tout juste bonnes à épater les snobs et les naïfs qui s’enflamment devant n’importe quelle imposture sans rien connaître au flamenco. Ou ces spectacles froufroutants, ces espagnolades qu’on invite dans les salles polyvalentes, devant un public de comités d’entreprises.

 

La Bodega

Exigeant, mais surtout diablement vivant, le Festival « Arte flamenco » de Mont-de-Marsan fait durant une semaine vibrer toute une ville pourtant bien grise, bien mesquine d’apparence, et qui n’en revient pas de se voir si joyeuse, si délurée durant quelques jours. Restaurants et cafés au cœur de la cité se mettent à l’heure espagnole en invitant musiciens, danseurs et chanteurs à se produire sur leurs terrasses et en affichant des menus ibériques. Cependant que pour les spectacles gratuits les foules s’engouffrent sous le chapiteau, « la Bodega », qui se dresse sur la place de la mairie, ou s’étagent de façon très pittoresque tout autour d’une scène de plein air, avec, en toile de fond, de fiers bâtiments médiévaux.

 

 

El Cafe cantante

Le chic enfin d' »Arte flamenco » est d’avoir su transformer en une sorte de vaste « cafe cantante » une belle halle en bois au centre de la cité où chacun s’installe avec ses proches autour d’une table face à la scène pour voir et écouter danseurs, chanteurs et musiciens. Cela seul confère aux soirées une atmosphère toute autre que celle d’une salle classique. Au lieu d’être assis, immobiles, en rangs d’Oignon, comme dans un théâtre, les spectateurs de tous âges se regroupent par affinités, circulent, boivent, dévorent des « tapas » en contemplant la scène. Et en un quart de siècle, ils ont développé avec les artistes un rapport de familiarité et de chaleur hardiment soutenues par la présence d’Espagnols venus en renfort. Assurément de quoi donner aux soirées un cachet tout autre que l’esprit forcément guindé qui règne au Théâtre des Champs-Elysées, ou que celui du Théâtre de Chaillot ou de la Grande Halle de la Villette dont sont exclues toute intimité, toute proximité.

 

 

 

Dans le coeur des spectateurs

Le secret d’ « Arte flamenco », qui fait épisodiquement des Landes une province andalouse, est ainsi d’avoir réussi à s’installer au coeur de la ville aussi bien que dans le coeur des gens. Car, pour que le festival survive durant 26 ans à Mont-de-Marsan, outre la ferveur et la passion des organisateurs liés au Conseil général des Landes, il fallait l’assentiment de toute une population : 30.000 spectateurs ces dernières années pour une ville de 31.000 habitants, ou de 68.000 si l’on compte les agglomérations environnantes.

 

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Programmation de haut vol

Il fallait aussi une foi ardente et une exigence artistique incorruptible pour imposer une programmation de haut vol. On découvrira lors de cette 26eédition du festival « Arte flamenco » des artistes exceptionnels comme on n’en rencontre pas nécessairement sur les grandes scènes des grandes villes françaises, des artistes devenus bien souvent des familiers et qui disent se sentir là comme chez eux. Chez eux, ce sont les villes de Cadix, de Jerez de la Frontera, d’Osuna, de Sanlucar de Barrameda, de Grenade, là où fleurit le flamenco au sein de familles qui le pratiquent parfois depuis des générations, comme chez les gitans, au sein des « tablaos » qui s’ouvrent avec la nuit.

C’est Séville plus encore où la Junta de Andalucia, le gouvernement autonome de l’Andalousie, a ouvert une « Casa del Flamenco » dans la maison qui fut celle du peintre Murillo ; Séville où les « tablaos » sont si nombreux, même s’ils sont désertés aujourd’hui par la convivialité simple et chaleureuse de jadis, celle qu’on rencontrait à tout coin de rue, dans les tavernes de Triana ou autour des arènes qui virent la mort de Carmen.

 

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Les Japonaises à Séville

Heureusement rangé au sein du patrimoine immatériel de l’Humanité, le flamenco, comme Versailles, comme Angkor, connaît le redoutable prestige des monuments de renommée universelle. En gagnant en notoriété mondiale, en se dévoilant à tous, en quittant ses « pueblos » et ses « barrios », il perd une partie de son mystère. Au pire, il se commercialise, devient une industrie. Les Japonaises accourent en foule en apprendre, croient-elles, les arcanes, devenant parfois de remarquables techniciennes. Mais elles ne seront jamais des filles d’Andalousie et ne brûleront jamais de cette flamme dévorante qui seule peut porter une « bailaora » au sommet de son art, à ce « duende » qui ne s’atteint que par l’esprit, le feu intérieur, et non par la technique. L’autre grand danger qui guette le flamenco est d’être muséifié. Au 3, de la calle Manuel Rojas Marcos, à quelques pas de la cathédrale, la danseuse Cristina Hoyos a ouvert un Museo del  Baile flamenco, très intéressant au demeurant, qu’on visite comme la Giralda (info@museoflamenco.com).

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Arte Flamenco à Mont-de-Marsan. Du 30 juin au 5 juillet 2014.

Renseignements au 05 58 46 54 55 ou sur arteflamenco.landes.org

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