GEOGRAPHIE HUMAINE

Burkina Faso : l’Afrique qui veut gagner (1)

SENAT

BY Jacques LEGENDRE, Mme Odette HERVIAUX et M. André FERRAND

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Le Burkina Faso : éléments clés

Données démographiques

Population : 16,6 millions d’habitants (Banque Mondiale,2013)

Densité : 54 hab/km²

Croissance démographique : 3 % (Banque Mondiale,2013)

Espérance de vie : 55 ans (Banque Mondiale,2011)

Taux d’alphabétisation : 29 %

Religion(s) : Islam (60,5 %), christianisme (23,2 %) animisme (15,3%), autres/sans (1 %) (CIA World Factbook)

Indice de développement humain : 183ème sur 186 pays (PNUD)

Classement Transparency International : 83ème sur 177 pays (2013)

Données économiques :

PIB en 2012: 10,5 milliards de dollars US (Banque Mondiale)

PIB par habitant en 2012 : 660 dollars US (Banque Mondiale)

Taux de croissance en 2012 : 9 % (Banque Mondiale)

Taux d’inflation en 2012  : 3,6 %

Solde budgétaire en 2012 : – 3,1 % du PIB (FMI)

Balance commerciale en 2012 : – 7,6 % du PIB (FMI)

Principaux clients en 2009 (Economist Intelligence Unit) : Singapour (9,8 %), Belgique (7,4%), Chine (4,4 %), Thaïlande (6,6%), Ghana (4%), Inde (2,9 %)

Principaux fournisseurs en 2009 (Economist Intelligence Unit) : Côte d’Ivoire (22,3 %), France (17,9 %), Togo (5,9 %), Afrique du Sud (3,2%), Belgique (3,1 %)

Part des principaux secteurs d’activité dans le PIB en 2009 (Economist Intelligence Unit) :

– agriculture : 34,1 %

– industrie : 26,5 %

– services : 39,3 %

Exportations de la France vers le Burkina Faso en 2012 : 262,7 millions d’euros  (DGTPE)

Importations françaises depuis le Burkina Faso en 2012 : 7,7 millions d’euros (DGTPE)

Communauté française en 2013 : 3 550 inscrits

Communauté burkinabé en France : 3 101 (2007)

Source : ministère des Affaires étrangères

I. LA POLITIQUE INTÉRIEURE : DANS L’ATTENTE DE LA PROCHAINE ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

A. UN PAYSAGE POLITIQUE RENOUVELÉ À LA SUITE DES ÉLECTIONS DE 2012

Le système politique burkinabè reste dominé par la figure du Président du Faso, M. Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 1987.

À la mi-février 2011, le Burkina Faso a été confronté à de nombreuses manifestations (à la suite notamment du décès d’un collégien à Koudougou) et à des mutineries militaires (notamment à Ouagadougou à la mi-avril et à Bobo Dioulasso début juin) qui se sont traduites par des violences, des pillages et des attaques contre des symboles du pouvoir. Le Président Compaoré a entamé en mars 2011 des consultations avec les forces vives du pays. Il a procédé au remplacement de certains responsables militaires et a nommé le 21 avril 2011 un nouveau gouvernement dirigé par M. Luc-Adolphe Tiao, qui a annoncé des mesures d’urgence budgétaires et fiscales.

Les élections législatives de décembre 2012 ont mis en évidence plusieurs tendances :

– le parti présidentiel, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), est le parti ayant rassemblé le plus de suffrages en dépit d’un recul par rapport aux élections précédentes : 55,11 % des voix, lui donnant 70 sièges sur 127 à l’Assemblée nationale (contre 65,76% et 73 députés sur 111 au cours de la précédente mandature). Ce parti est aujourd’hui en recomposition, certaines grandes figures comme l’ancien Président de l’Assemblée nationale, M. Roch Marc Christian Kaboré, que la délégation a rencontré, s’étant mises en retrait de la vie politique, avant d’annoncer, le 4 janvier 2014, leur démission du CDP, puis la création d’un nouveau parti politique (cf. infra) ;

– une nouvelle force politique est apparue : l’Union pour le changement (UPC), dont la délégation a rencontré le président, M. Zéphirin Diabré, devenu chef de file de l’opposition politique (CFOP) en tant que représentant du plus important parti d’opposition à l’Assemblée nationale. L’UPC, qui se présentait pour la première fois, a obtenu 19 sièges à l’Assemblée nationale ;

– enfin, l’ADF-RDA a vu son influence se réduire au Parlement : 10 députés sur 18 ont été reconduits. Ce parti se situe plutôt dans la mouvance présidentielle, même s’il a pu se montrer critique sur le projet de création d’un Sénat

B. UNE HYPOTHÈQUE : LA RÉVISION DE L’ARTICLE 37 DE LA CONSTITUTION

Aux termes de l’article 37 de la Constitution burkinabè, tel qu’il résulte de la loi n° 003-2000/AN du 11 avril 2000, « le Président du Faso est élu pour cinq ans au suffrage universel direct, égal et secret. Il est rééligible une fois ».

Il résulte de cette disposition, entrée en vigueur à compter de l’élection présidentielle de 2005, que le Président Compaoré ne devrait pas pouvoir briguer un nouveau mandat lors des prochaines élections, qui auront lieu en 2015.

Pourtant, certains prêtent au Président Blaise Compaoré l’intention de modifier la Constitution afin de pouvoir se représenter. Ces craintes se sont notamment exprimées en 2012, lors de l’examen du projet de loi créant le Sénat. Elles ont depuis pris de l’ampleur, même si l’article 37 n’a pas été modifié jusqu’ici.

Le Président du Faso lui-même entretient le doute sur ses intentions en vue de la présidentielle de 2015. Il a ainsi évoqué l’hypothèse d’un référendum pour réviser, le cas échéant, l’article 37 de la Constitution : « Pour l’article 37, je sais qu’il y a effectivement beaucoup de débats là-dessus. La Constitution a ciblé des points qui ne peuvent pas être modifiés. Nous avons une Constitution, dont la référence suprême, c’est le peuple. Donc le peuple sera consulté sur la question, s’il y a nécessité ».

Cette incertitude pèse sur le climat politique d’ensemble.

C. UN POINT DE TENSION : LE PROJET DE CRÉATION D’UN SÉNAT

Dans le cadre de sa visite, la délégation a été amenée à aborder à plusieurs reprises la question de la création d’un Sénat au Burkina Faso.

Le débat politique s’est, en effet, cristallisé sur cette question au cours de l’année 2013, la création du Sénat ayant été perçue par l’opposition comme un moyen de réviser l’article 37 de la Constitution.

Comme l’analyse un rapport de l’International Crisis Group,« avec 70 sièges sur 127, Blaise Compaoré ne dispose plus automatiquement des deux tiers des députés nécessaires pour modifier la Constitution par le seul vote de l’Assemblée nationale. C’est ici que le projet de création du Sénat prend tout son sens. Car le Sénat lui donne la possibilité de s’assurer une majorité parlementaire pour modifier la Constitution sans passer par la voie référendaire. En effet, depuis l’adoption de la loi portant création du Sénat, le président peut demander une réunion des deux chambres en Congrès, dans quatre cas de figure, dont une procédure de révision de la Constitution ».

L’idée de créer un Sénat au Burkina Faso fait partie des propositions de réformes politiques issues du Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP) mis en place en mai 2011, à la suite des engagements pris par le Président Compaoré lors de l’élection présidentielle de 2010.

La création d’un Sénat au Burkina Faso a été inscrite dans la Constitution burkinabè à l’occasion de la révision constitutionnelle du 11 juin 2012 (loi constitutionnelle n°033-2012/AN), déclinée par la loi organique n° 018-2013/AN du 21 mai 2013 portant organisation et fonctionnement du Parlement, adoptée par 81 voix sur 127.

Elle consacre ainsi un retour au bicamérisme, puisqu’une Chambre des Représentants a existé aux côtés de l’Assemblée nationale jusqu’à sa suppression en 2002 (loi n° 001-2002/AN du 22 janvier 2002).

L’article 80 de la Constitution dispose que le Sénat est composé de représentants des collectivités territoriales, des autorités coutumières et religieuses, du patronat, des travailleurs, des Burkinabè vivant à l’étranger et de personnalités nommées par le président du Faso. Les sénateurs représentant les collectivités territoriales sont élus par les élus locaux de leurs régions respectives au suffrage universel indirect. Les sénateurs représentant les autorités coutumières et religieuses, les travailleurs, le patronat et les Burkinabè de l’étranger sont désignés par leurs structures respectives. Nul ne peut être élu ou nommé sénateur s’il n’a 45 ans révolus au jour du scrutin ou de la nomination.

La durée du mandat des sénateurs est fixée à 6 ans, contre 5 ans pour les députés.

En cas de vacance de la Présidence du Faso, quelle qu’en soit la cause, ou d’empêchement absolu ou définitif constaté par le Conseil constitutionnel saisi par le Gouvernement, les fonctions du Président du Faso sont exercées par le Président du Sénat. Il est alors procédé à l’élection d’un nouveau président pour une nouvelle période de 5 ans, 60 jours au moins et 90 jours au plus après constatation officielle de la vacance ou du caractère définitif de l’empêchement. Le Président du Sénat exerçant ainsi les fonctions de Président du Faso ne peut pas être candidat à cette élection présidentielle.

En application de l’article 7 de la loi précitée du 21 mai 2013, le Sénat devait comprendre 89 membres :

– 39 sénateurs élus représentant les collectivités territoriales, à raison de 3 par région ;

– 16 sénateurs représentant certaines autorités, à raison de 4 pour les autorités coutumières et traditionnelles, 4 pour les autorités religieuses, 4 pour les organisations syndicales de travailleurs et 4 pour les organisations reconnues du patronat burkinabè ;

– 5 sénateurs élus représentant les Burkinabè vivant à l’étranger à raison de 2 sièges pour le continent africain, un siège pour le continent européen, un siège pour le continent américain et un siège pour le continent asiatique ;

– 29 sénateurs pourvus par voie de nomination du Président du Faso.

Des élections sénatoriales ont eu lieu le 28 juillet 2013 afin de désigner les 39 sénateurs représentant les collectivités territoriales et le 4 août 2013 afin de désigner les 5 sénateurs représentant les Burkinabè vivant à l’étranger.

Toutefois, à la suite du mouvement de contestation de la création du Sénat qui s’amplifiait (nombreuses manifestations à l’été 2013), les critiques portant en particulier sur le coût de la nouvelle institution et sur le motif supposé de sa création (crainte que cela ne vise en réalité à permettre une modification de l’article 37 de la Constitution), le Président Compaoré a demandé au Premier ministre et au ministre d’État chargé des relations avec les institutions et des réformes politiques de convoquer le « comité de suivi et d’évaluation de la mise en oeuvre des réformes politiques consensuelles », afin de lui remettre un« rapport d’étape circonstancié sur l’opérationnalisation du Sénat ». Ce rapport, en date du 29 août 2013, a été remis à la délégation sénatoriale par le directeur de cabinet de M. Bongnessan Arsène Yè, ministre chargé des Relations avec les Institutions et des Réformes politiques.

Ce rapport évoque plusieurs pistes de solution pour sortir de la crise, notamment la réduction de l’âge d’éligibilité des sénateurs (de 45 à 35 ou 30 ans), la réduction du nombre de sénateurs (de 89 à 71), la révision à la baisse du nombre de sénateurs nommés par le Président du Faso (sans citer de chiffre), l’ouverture des candidatures au Sénat à tout citoyen militant d’une formation politique, la création d’une commission mixte paritaire en cas de désaccord entre le Sénat et l’Assemblée nationale ainsi que la saisine en premier lieu du Sénat sur les projets de loi traitant de questions d’ordre religieux, enfin, la limitation du coût de fonctionnement du Parlement.

Le Président Blaise Compaoré a depuis lors répété que le Sénat serait mis en place :« Il y a dans les discussions que nous continuons à avoir des échanges sur des aménagements à faire notamment en ce qui concerne la composition du Sénat. Ce qu’il faut retenir, c’est que le Sénat est inscrit dans la Constitution aujourd’hui. Et ce n’est pas à moi, président du Burkina Faso, qu’on va demander de ne pas appliquer ce qui est inscrit dans la Constitution. Donc le Sénat se mettra en place ».

Dans l’attente de cette situation, l’Assemblée nationale a adopté, le 12 novembre 2013, un projet de loi constitutionnelle lui permettant d’assumer la plénitude des attributions du Parlement jusqu’à la mise en place du Sénat.

Davantage que l’idée elle-même de création d’un Sénat, c’est le contexte de sa mise en oeuvre qui semble constituer une difficulté majeure.

D. L’ÉMERGENCE D’UN NOUVEAU PARTI FONDÉ PAR D’ANCIENNES GRANDES FIGURES DU PARTI PRÉSIDENTIEL

Depuis le déplacement de la délégation de votre groupe au Burkina Faso, le Président Compaoré a reçu en audience, le 14 novembre 2013, une délégation conduite par le chef de file de l’opposition politique, ce qui peut apparaître comme un signe positif, dans la mesure où celui-ci avait indiqué à la délégation ne pas avoir été reçu par le Président depuis le renouvellement de l’Assemblée nationale.

Cependant, la situation du parti majoritaire, le CDP, a depuis lors évolué, certaines figures historiques du parti comme MM. Roch Marc Christian Kaboré, ancien Premier ministre et ancien Président de l’Assemblée nationale, Simon Compaoré, ancien maire de Ouagadougou, et Salif Diallo, ancien ministre, ayant, par lettre ouverte datée du 4 janvier 2014, annoncé leur démission du parti, entraînant avec elles plusieurs membres. Dans cette lettre, ils critiquent notamment le mode de fonctionnement du parti mais pointent également la politique conduite par le chef de l’État, en indiquant en particulier que « nous sommes en train d’assister à des tentatives d’imposer la mise en place du Sénat au forceps et à des velléités de réviser la Constitution dans le but de sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels dans un contexte où le peuple est profondément divisé ».

Alors que les propositions du « rapport d’étape circonstancié sur l’opérationnalisation du Sénat » visaient à apaiser la situation politique, la volonté continue du chef de l’État de mettre en oeuvre cette réforme et l’hypothèque de la révision de l’article 37 de la Constitution continue à troubler le paysage politique burkinabè, en concernant cette fois le parti présidentiel lui-même.

II. UN PAYS PIVOT DANS LA SOUS-RÉGION

A. DES LIENS TRÈS ÉTROITS AVEC LA CÔTE D’IVOIRE, MATÉRIALISÉS PAR DES CONSEILS DES MINISTRES CONJOINTS

Les liens entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire sont très étroits et la coopération entre les deux États, excellente, comme l’ont affirmé à la fois les autorités burkinabè et les autorités ivoiriennes.

De nombreuses rencontres bilatéralesont ainsi lieu entre les autorités des deux pays.

Le développement sur le long terme de l’économie burkinabè est en effet tributaire de la Côte d’Ivoire et les responsables burkinabè misent sur un renforcement de l’intégration économique et laréalisation de grands projets d’infrastructures, comme la modernisation de la ligne de chemin de fer Abidjan-Ouagadougou-Kaya et son prolongement jusqu’à Tambao, en vue de l’écoulement du gisement de manganèse vers le port d’Abidjan.

Ces relations étroites se traduisent par uneintense coopération au sommet et la tenue régulière de conseils des ministres conjoints. Ainsi, dans le cadre du Traité d’amitié et de coopération entre le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire signé le 29 juillet 2008, s’est tenue à Yamoussoukro, le 30 juillet 2013, la troisième conférence au sommet présidée par les deux chefs d’État, qui a été précédée de réunions d’experts, d’une rencontre ministérielle sectorielle et d’un conseil de Gouvernement. Au cours de ce sommet a notamment été créé un Comité conjoint de suivi de la fluidité du trafic et de la libre circulation des personnes et des biens sur les corridors des deux pays, ainsi que sur la facilitation du commerce et des transports.

B. UNE DIPLOMATIE TRÈS ACTIVE

Au-delà de ces relations privilégiées avec la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso a une diplomatie très active.

Doyen des chefs d’État en Afrique de l’Ouest, le Président Compaoré a en effet joué un rôle essentiel de médiation dans différentes crises : Togo, Côte d’Ivoire, Guinée, Niger et plus récemment Mali (cf. infra). La diplomatie burkinabè a également contribué à la libération d’otages dans la bande sahélienne.

En outre, le Président Compaoré a été élu par ses pairs à la présidence de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) et de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pendant 2 années consécutives (2007 et 2008), le Burkina Faso a siégé au Conseil de sécurité comme membre non permanent pour le biennum 2008-2009 et son ministre des Affaires étrangères, M. Djibrill Bassolé, a été nommé médiateur conjoint de l’Union Africaine et des Nations Unies au Darfour jusqu’en avril 2011 (date de son rappel au gouvernement). De même, c’est un Burkinabè, l’ancien Premier ministre Kadré Désiré Ouedraogo, qui préside la Commission de la CEDEAO depuis février 2012.

Le Président Compaoré et son ministre des Affaires étrangères, M. Djibrill Bassolé, avec lequel la délégation du groupe interparlementaire d’amitié a notamment pu échanger sur les questions sécuritaires, de même qu’avec le ministre de l’Administration et de la Sécurité, M. Jérôme Bougouma, disposent ainsi d’unevision d’ensemble des enjeux de la sous-région d’Afrique de l’Ouest.

C. UN RÔLE DÉTERMINANT DANS LA RÉSOLUTION DE LA CRISE MALIENNE

À la suite du coup d’État du 22 mars 2012 au Mali, la CEDEAO a mandaté le Burkina Faso comme médiateur sur la crise malienne. Deux missions lui ont été confiées : régler la crise institutionnelle et instaurer un processus de négociation entre l’État malien et les groupes armés du Nord.

Si cette médiation a fait l’objet de critiques, certains reprochant à la médiation burkinabé une position trop conciliante avec les putschistes, elle a porté ses fruits. Un« accord préliminaire à l’élection présidentielle et aux pourparlers inclusifs de paix au Mali » a ainsi été conclu à Ouagadougou le 18 juin 2013. Le nouveau Président malien, M. Ibrahim Boubacar Keïta, s’est rendu à Ouagadougou en septembre 2013 pour remercier le Président du Faso pour son action.

Le Burkina Faso a également contribué à la bonne réussite de l’opération Serval et a envoyé un contingent de 650 hommes pour participer aux forces de la MINUSMA, ce qui constitue un effort important.

III. DES RELATIONS FORTES AVEC LA FRANCE

A. DES ÉCHANGES NOURRIS AU NIVEAU PARLEMENTAIRE

Les échanges interparlementaires entre la France et le Burkina Faso sont nombreux.

Il convient en outre de rappeler que le Président de l’Assemblée nationale du Burkina Faso a parallèlement exercé les fonctions de président de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie de 2011 à 2013, ce qui a contribué à renforcer les liens de travail entre parlementaires français et burkinabè.

Le groupe interparlementaire d’amitié France-Afrique de l’Ouest du Sénat a notamment reçu, en 2013, une délégation conduite par M. Soungalo Appolinaire Ouattara, Président de l’Assemblée nationale, dans le cadre d’une opération de coopération interparlementaire. Une autre délégation conduite par M. le Premier Questeur s’est également rendue au Sénat en juin 2013 dans le cadre d’une autre opération de coopération interparlementaire, qui constitue un moyen fort d’échanges de savoirs et de bonnes pratiques.

Lors de ce déplacement, la délégation sénatoriale a échangé avec les membres du groupe interparlementaire d’amitié Burkina Faso-France (29 membres), présidé par Mme Fatoumata Diendéré/Diallo, vice-Présidente de l’Assemblée nationale.

Elle a appelé de ses voeux une intensification des échanges entre les deux groupes dans les prochaines années.

B. UNE COOPÉRATION INTENSE

1. La prépondérance de l’aide publique au développement de la France

La coopération entre la France et le Burkina Faso est très intense, tant au niveau de la coopération nationale qu’au niveau de la coopération décentralisée.

Le montant global de l’aide publique au développement de la France, que ce soit dans un cadre bilatéral ou multilatéral, a atteint 98,1 millions d’euros en 2011, en diminution par rapport aux années précédentes (126,8 millions d’euros en 2007, 138,8 en 2008, 112,5 en 2009 et 100,2 en 2010). L’aide publique au développement bilatérale (y compris les annulations de dettes) s’est élevée à plus de 56 millions d’euros en 2011, faisant de la France le premier bailleur de fonds bilatéral du Burkina Faso, devant les États-Unis, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Danemark. Ce montant place le pays au 4ème rang des bénéficiaires de l’aide publique bilatérale au développement en Afrique de l’Ouest et au 19ème rang global.

Parallèlement, on observe une montée en puissance de l’aide publique au développement en provenance des États-Unis, passée globalement de 39,5 millions en 2007 à 76,1 millions d’euros en 2011, – dont 17,5 millions à 48,4 millions d’euros au titre de l’aide publique bilatérale sur la même période -, plaçant ce pays en deuxième position au titre de l’aide publique bilatérale.

La coopération bilatérale française évolue fortement vers l’aide programme »7(*) et l’aide budgétaire sous l’impulsion de la démarche d’harmonisation des aides (création du groupe de Soutien Budgétaire Conjoint (SBC-CSLP) en 2002, qui réunit les principaux bailleurs de fonds sous la présidence du ministre des Finances burkinabé), et de la définition par les autorités burkinabé d’un cadre général des aides budgétaires en 2005. La coopération française se concentre désormais sur des secteurs définis. Le document-cadre de partenariat 2006-2010, d’un montant indicatif prévisionnel de 302 millions d’euros, en phase avec les objectifs du Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP) défini par les autorités burkinabè, visait à recentrer la coopération sur trois secteurs (infrastructures, eau et assainissement, éducation de base) et trois axes transversaux (appui à la bonne gouvernance et État de droit, promotion de la francophonie et des liens culturels, enseignement supérieur et recherche).

Le nouveau document cadre de partenariat pour la période 2013-2015, signé à Ouagadougou le 2 décembre 2013, définit cinq axes de coopération, pour un montant prévisionnel compris entre 260 et 305 millions d’euros : la coopération en matière de gouvernance, la coopération culturelle, l’appui au développement durable, l’appui aux secteurs sociaux et l’appui à une agriculture durable.

La délégation du groupe interparlementaire d’amitié, après avoir rencontré plusieurs membres du conseil municipal de Ouagadougou, a notamment pu visiter le nouveau marché de la capitale, financé grâce à une aide apportée par l’Agence française de développement, le précédent marché ayant été ravagé par un incendie.

2. Une coopération décentralisée très dynamique

Un mouvement important de décentralisation a été mis en place au Burkina Faso après les élections communales de 2006, qui s’est traduit par la mise en place de351 communes (302 communes rurales et 49 communes urbaines) et13 régions. Les missions assignées depuis 2009 aux collectivités locales recouvrent notamment les domaines de la santé, de l’éducation, de l’eau et de l’assainissement, ainsi que de la jeunesse, des sports et de la culture. Les collectivités territoriales manquent toutefois encore de moyens pour exercer pleinement l’ensemble de ces missions, comme l’a indiqué le ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, M. Toussaint Abel Coulibaly. Afin de parachever le mouvement de décentralisation, le gouvernement burkinabè s’est doté d’un cadre stratégique de mise en oeuvre de la décentralisation et s’est doté d’un ministère plein en charge du secteur.

Ce mouvement a été appuyé par la France au niveau national, mais également via la coopération décentralisée, qui, en prenant en compte le co-financement du ministère des Affaires étrangères, constitue laseconde contribution au budget des collectivités territoriales après la dotation de l’État burkinabè.

Ainsi, 161 collectivités territoriales françaises sont engagées au Burkina Faso, portant 316 projets de coopération décentralisée auprès de 214 autorités locales partenaires. Les premiers jumelages entre collectivités françaises et burkinabè remontent à 1965. On estime aujourd’hui que 110 à 120 partenariats de coopération décentralisée sont véritablement actifs, ce qui représente en moyenne un budget de 5 à 10 millions d’euros annuels (en incluant les co-financements du ministère des Affaires étrangères).

Des assises de la coopération décentralisée franco-burkinabè devraient être organisées en 2014 pour approfondir cette relation et rendre encore plus efficiente l’action des collectivités territoriales françaises. Dans le prolongement du déplacement, notre collègue Michèle André, vice-présidente du groupe interparlementaire d’amitié, a pu s’en entretenir avec une délégation conduite par M. Toussaint Abel Coulibaly le 13 décembre 2013. Le groupe d’amitié suivra cette manifestation avec intérêt.

C. DEUX ATOUTS CULTURELS : LE LYCÉE FRANÇAIS ET L’INSTITUT FRANÇAIS

La délégation de votre groupe interparlementaire d’amitié a pu se rendre à l’Institut français et avoir des échanges approfondis avec le proviseur du lycée français de Ouagadougou, qui sont deux atouts majeurs de la France sur le plan culturel.

L’Institut, qui dispose d’un budget annuel de près de 800 000 euros, est présent à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso. Il dispose d’une salle de cinéma et d’une salle de spectacle en plein air, largement utilisées, d’une médiathèque attractive (48 000 prêts, 3 500 inscrits), d’un café pouvant également recevoir des concerts et abrite un pôle Campus France qui traite environ 800 dossiers de demandes de visa par an, avec des demandes croissantes pour les filières techniques (IUT, secteurs de l’agriculture et de l’environnement). L’Institut apparaît ainsi comme un outil culturel majeur à Ouagadougou, ce dont la délégation a pu se féliciter. Elle a également eu des échanges avec la directrice de l’Institut français concernant le festival panafricain de cinéma de Ouagadougou (FESPACO), qui contribue au rayonnement de la ville mais qui doit continuer à investir et à se professionnaliser pour conserver son rang prestigieux, face à la montée en puissance de nouveaux acteurs dans d’autres pays.

La rencontre avec le proviseur du lycée français Saint-Exupéry, qui regroupe un millier d’élèves (500 en primaire et 500 au collège et au lycée), a permis d’échanger sur les enjeux de l’établissement. La discussion a notamment permis de mettre en évidence la concurrence très forte menée par d’autres pays, en particulier le Canada, pour attirer dans leurs universités les élèves sortant du lycée français.

La faible visibilité de l’offre d’enseignement supérieur français en dehors de Paris – ville où le coût de la vie très élevé peut constituer un handicap pour des étudiants burkinabè – a également été soulignée, de même que ladifficulté à faire passer les directeurs de grands établissements d’enseignement supérieur par Ouagadougoupour présenter leur offre. Une action doit donc être menée pour mieux faire connaître la diversité de l’offre française d’enseignement supérieur.

Le problème est par ailleurs plus global et concerne également la délivrance de visas pour venir étudier en France. La délégation a ainsi recueilli un témoignage éclairant concernant un étudiant qui s’étant vu refuser un visa pour venir effectuer des études supérieures en France, est parti étudier en Chine puis aux États-Unis.

À travers cet exemple, la question de l’influence culturelle via la politique d’octroi des visas et d’accès à l’enseignement supérieur en France est soulevée, comme l’ont analysé nos collègues Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie Bockel dans leur rapport « L’Afrique est notre avenir ».

D. UN PARTENARIAT ÉCONOMIQUE À CONSOLIDER

Avec un produit national brut (PNB) par tête de l’ordre d’un euro par jour et par habitant, le Burkina Faso reste un pays qui se place au 183ème rang sur 186 au classement de l’Indice de développement humain (2012). Son développement se heurte à plusieurs handicaps comme son enclavement, la faiblesse de ses ressources naturelles, l’importance de sa croissance démographique (3% par an en moyenne), la rudesse de son climat, le faible accès de sa population à l’eau potable, aux soins de santé primaire ou à l’éducation. Globalement, l’économie est très sensible aux aléas climatiques (pluviométrie) et aux chocs exogènes, en particulier aux cours du coton et de l’or pour les exportations, au prix du pétrole et des produits alimentaires pour les importations.

L’économie burkinabè est peu diversifiée et reste très largement rurale. Le secteur primaire représente le tiers du produit intérieur brut et d’autres secteurs économiques importants (transports, agro-industries) en dépendent étroitement. L’activité se concentre sur quelques produits (coton, élevage, vivrier), auxquels s’ajoute une production minière en développement (or notamment).

La croissance économique s’est élevée à plus de 5 % par an sur la période 2000-2008. Elle a été irrégulière depuis 2009, avec des creux en 2009 et 2011 (année de la crise sociale, avec un taux de croissance de 4,4 %) et des pics  depuis 2012 : 8 % en 2012, 6,7 % prévus en 2013 et 6,8 % en 2014.

Le Burkina Faso s’est engagé dans un programme d’accélération de la croissance économique et mise sur des« pôles de croissance », en organisant la bonne exploitation des ressources naturelles et en tâchant d’accroître la chaîne de valeur de certaines filières porteuses.

Selon les conseillers du commerce extérieurs français rencontrés par la délégation, l’incertitude politique actuelle ne contribue pas à favoriser le développement économique. L’enjeu principal réside dans laformation de main d’oeuvre qualifiée de niveau intermédiaire. À cet égard, l’initiative de l’Institut 2IE (Institut international d’ingénierie de l’eau et de l’environnement), est citée en exemple pour la formation de cadres. Les conseillers du commerce extérieurs rencontrés par la délégation ont souligné l’implication croissante de la Chine.

Par ailleurs, dans ce domaine, le Burkina Faso doit encore renforcer ses infrastructures de transport et ses infrastructures télécom, sécuriser son approvisionnement électrique, renforcer les aspects logistiques et probablement développer encore la culture d’entreprise.

La formation professionnelle apparaît comme un enjeu clé (notamment dans le secteur minier), de même que le développement du taux d’emploi des femmes.

Une attention doit également être portée à la sécurité juridique pour les investisseurs ainsi qu’à la « sécurité judiciaire », en cas de recours devant les tribunaux.

LE RAPPORT

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