CARTOGRAPHIES

Cartographie des cicatrices de l’apartheid

COURRIER INTERNATIONAL

by Sophie Bouillon

 

 

Vingt ans après l’abolition des lois de « développement séparé », les villes sud-africaines sont encore très largement divisées entre les « races ». Le cartographe Adrian Frith propose une vue aérienne et en couleurs des ségrégations dans le pays, et notamment à Johannesburg.

Carte interactive d’Adrian Frith
Des pointillés de couleurs pour chaque 100 habitants d’Afrique du Sud, disséminés selon leur couleur de peau. Le projet était ambitieux, Adrian Frith s’y est collé. S’appuyant sur le dernier recensement de 2011, ce chercheur de l’université de Cape Town a repeint les 55 millions résidents de la nation arc-en-ciel selon leur lieu de vie et leurs ancienne classification raciale : Noirs, Blancs, Indiens ou Coloureds (métisses).

Dans cette vue aérienne de Johannesburg, on constate que les townships qui entourent la ville sont densément peuplés et gardent leur identité de « ghettos » construits pendant l’apartheid.

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Les anciens quartiers résidentiels blancs (représentés ici par la couleur violette) sont bien plus aérés, mais se mélangent peu à peu. La plateforme thesouthafrican.com, un site d’information spécialisé pour les expatriés sud-africains, note que ce début de mixité sociale « montre que les opportunités de travail et la liberté de mouvement dont peuvent profiter désormais les « Non-Blancs » implique un changement dévastateur dans les centres urbains de classe moyenne ». Un mélange, donc, qui se fait davantage vers le haut de l’échelle sociale.

Toutefois, certains quartiers ne se transforment quasiment pas. Sandton, ce quartier d’affaires, est le quartier le plus riche de tout le continent africain. A deux kilomètres de là, de l’autre côté de l’autoroute, se trouve Alexandra, un bidonville extrêmement peuplé (environ 800 000 personnes). Sur cet exemple précis, on discerne que les townships sont toujours entourés par des zones « neutres », quasiment désertes comme c’était le cas pendant l’apartheid et que la répartition « raciale » est radicale :

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Autre exemple significatif, le centre-ville de Johannesburg. Interdit aux populations non-blanches jusqu’en 1990, il est ensuite devenu le point d’attraction des populations les plus pauvres de tout le pays et de tout le continent. Le point de chute des migrants, venus chercher des opportunités d’emplois. Le centre fut alors déserté par les Blancs. Même si on assiste à une petite gentrification ces dernières années, le CBD (Central Business District) est encore largement habité par les plus pauvres et par la population noire.

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Encouragé par ses « followers » sur Twitter, Adrian Frith a ensuite dressé une carte nationale, selon les disparités économiques, et les revenus des foyers. Encore une fois, on constate que les inégalités sociales est encore très présentes :

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Plus lente encore, la mixité dans la ville du Cap, note thesouthafrican.com. « Voyager avec sa souris sur la carte de Cape Town est un exercice fascinant », rapporte le site.

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« Voir cela est un choc, car beaucoup s’attendaient à voir les frontières disparues ou du moins, atténuées désormais ». Mais Adrian Frith prouve que les « couleurs » vivent toujours les unes à côté des autres, sans vraiment se mélanger. Comme dans un arc-en-ciel.

 

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