DONNEES ET ANALYSES

La Turquie, un partenaire puissant

SENAT

rapport de MM. Daniel RAOUL, Gérard CÉSAR, Mme Élisabeth LAMURE et M. Jean-Jacques MIRASSOU, fait au nom de la commission des affaires économiques

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REUTERS/Osman Orsal

LA POPULATION : UN DES ÉLÉMENTS DE LA PUISSANCE TURQUE

1. Une population nombreuse et en croissance

A la fin de l’année 2012, la Turquie comptaitenviron 75,6 millions d’habitants. Le pays figure ainsiparmi les vingt pays les plus peuplés au monde, avec plus de dix millions d’habitants de plus que la France, le Royaume-Uni ou l’Italie, une population comparable à l’Iran et entre cinq et dix millions d’habitants de moins que l’Allemagne, l’Éthiopie ou l’Égypte.

La population turque continue de progresser, sous l’effet d’une croissance démographique qui est, certes, en diminution depuis plusieurs décennies mais reste très supérieure à ce qu’elle est dans les pays occidentaux.

Le taux de croissance annuel de la population a ainsi atteint fin 2012 1,2 % – contre près de 2,6 % en 1970, 2 % en 1980 ou 1,7 % en 1995. En comparaison, et selon les données de la Banque mondiale, le taux de croissance démographique atteint 0,8 % au Royaume-Uni, 0,7 % aux États-Unis, 0,5 % en France, 0,4 % en Italie ou 0 % en Allemagne.

Selon les estimations des démographes, la décroissance du taux de croissance devrait conduire à unestabilisation de la population turque en 2030 autour de 85 millions d’habitants.

2. Une population très jeune, un atout économique

Au-delà de sa croissance, la population turque se caractérise par sa jeunesse : selon les données transmises par l’Institut du Bosphore, 26 % de la population a moins de 15 ans.

Il s’agit d’un atout économique indéniable : ainsi, « la Turquie possède l’une des plus jeunes populations dans l’une des plus grandes économies du monde. Sa main d’oeuvre est jeune, de plus en plus diplômée et pourrait être le fer de lance d’une économie encore plus dynamique, sophistiquée et évoluant rapidement »5.

Parmi les vingt premières économies mondiales, seuls l’Inde, le Mexique et l’Indonésie disposent d’une population plus jeune, comme l’illustre le tableau suivant.

ÂGE MOYEN DE LA POPULATION DES VINGT PLUS GRANDES ÉCONOMIES MONDIALES

Pays

PIB (en millions de dollars)

Âge moyen de la population

États-Unis

14 582 400

36,9

Chine

5 878 629

35,5

Japon

5 497 813

44,8

Allemagne

3 309 669

44,9

France

2 560 002

39,9

Royaume-Uni

2 246 079

40,0

Brésil

2 087 890

29,3

Italie

2 051 412

43,5

Inde

1 729 010

26,2

Canada

1 574 052

41,0

Russie

1 479 819

38,7

Espagne

1 407 405

40,5

Mexique

1 039 662

27,1

Corée du Sud

1 014 483

38,4

Australie

924 843

37,7

Pays-Bas

783 413

41,1

Turquie

735 264

28,5

Indonésie

706 558

28,2

Suisse

523 772

41,7

Pologne

468 585

38,5

Source : « Où va l’économie turque ? Trois scénarios à long terme et leurs répercussions sur les politiques menées »,Ibid., p. 147.

3. Une population de plus en plus urbanisée

Enfin, la population turque est marquée par une urbanisation croissante : selon les données transmises par l’Institut du Bosphore, 76 % de la population vit aujourd’hui dans les villes, un taux en très forte progression depuis un demi-siècle. Ainsi, « les centres urbains se sont fortement développés. Alors que, cinquante ans en arrière, seulement 30 % de la population vivait en zone urbaine, la migration post-1960 a fait exploser ce chiffre, aujourd’hui passé à 75 % »6.

L’exemple d’Ankara est assez révélateur : la population de cette ville est passée en un peu plus de vingt ans de 2,5 à plus de 4,5 millions d’habitants, comme l’ont souligné les chefs d’entreprises français rencontrés par la délégation de votre commission à Ankara.

Le séjour de la délégation dans cette ville a permis à cette dernière d’appréhender la réalité et les conséquences de l’urbanisation : le paysage urbain y est marqué par de nombreux chantiers ; le trajet entre l’aéroport et le centre-ville permet de constater la construction récente de nombreux immeubles d’habitation, notamment à l’initiative de l’agence d’État TOKI, qui a réalisé dans le pays près de 500 000 logements depuis 2002.

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DES PERFORMANCES ÉCONOMIQUES IMPRESSIONNANTES, DES CHIFFRES QUI DONNENT LE TOURNIS

Les rencontres effectuées par la délégation de votre commission, notamment à Ankara, ont permis de prendre connaissance des données relatives à l’économie de la Turquie : les performances de ce pays sont impressionnantes.

1. Un taux de croissance très élevé depuis le début des années 2000

Il y a un peu plus de dix ans, en 2001, la Turquie a subi une grave crise financière. Cette crise a conduit le pays à solliciter l’aide du Fonds monétaire international (FMI) et le gouvernement de l’époque, dirigé par M. Kemal Dervis, a mené de vastes réformes économiques et financières qui ont permis d’assainir l’économie et le système bancaire turcs.

Ces réformes ont produit des effets très positifs : la Turquie a connu depuis lors un taux de croissance« à la chinoise », qui a atteintprès de 5,2 % par an en moyenne entre 2002 et 2012.

Le graphique suivant montre le niveau particulièrement élevé du taux de croissance turc au cours des sept dernières années – à l’exception de la crise de 2009.

TAUX DE CROISSANCE DU PIB DE LA TURQUIE (2006-2012)

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Source : Service économique régional de l’Ambassade de France en Turquie.

D’après les entretiens effectués par la délégation à Ankara, il apparaît que le ralentissement de la croissance en 2012 est en partie volontaire. Pour 2013, le Gouvernement turc prévoit un taux de croissance de l’ordre de 4 %, comme l’a indiqué le ministre des Finances lors de sa rencontre avec la délégation.

On ne peut donc que constater le « spectaculaire processus de transformation depuis la crise de 2001 » :« durant ces quatre dernières années, le taux de croissance turc flirte avec celui de la Chine, dépassant les 7 % sur quinze trimestres consécutifs.Depuis 2002, la hausse cumulée du PIB est de 25 %, un record dans l’histoire du pays »7.

Le taux de croissance n’est d’ailleurs pas la seule donnée illustrant le développement impressionnant de la Turquie : entre 2001 et 2008, les exportations de la Turquie ont ainsi été quadruplées.

2. Une croissance qui profite à la population turque

Les membres de la délégation relèvent quecette croissance importante bénéficie à la population, ce qui explique d’ailleurs très certainement la reconduction de l’AKP à la tête du pays.

Le PIB par habitant a ainsi été multiplié par trois depuis 2001, comme l’illustre le graphique suivant.

L’AUGMENTATION DU PIB PAR HABITANT EN TURQUIE (1998-2012, en dollars)

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Source : Institut du Bosphore.

La croissance du PIB a permis l’émergence d’une classe moyenne en Turquie. Ainsi, « la rapidité avec laquelle la classe moyenne s’est renforcée ces dix dernières années ainsi que de forts taux de croissance économique ont entraîné la sophistication du panier de consommation et une augmentation de la demande de services. Entre 2003 et 2010, la vente des voitures a doublé, atteignant 761 000 unités par an. Le nombre de passagers des aéroports turcs a triplé dans le même temps, tandis que celui des abonnés à la téléphonie mobile est passé de 26,6 à 61,6 millions »8.

La multiplication des centres commerciaux – que la délégation de votre commission a pu constater à Ankara – est la meilleure illustration de l’émergence d’une classe moyenne. Certains relèvent qu’« il y a à peine quelques années, les centres commerciaux étaient un phénomène exclusivement urbain. En 2005, seules 21 des 81 provinces de Turquie en possédaient, 60 % étaient localisés dans les trois plus grandes villes. En 2010, ils étaient implantés dans 49 provinces du pays et ils ont plus que triplé dans cette période ; on en comptait 334 en 2010. Aujourd’hui, 52 % des centres sont situés dans les trois plus grandes villes, à savoir : Istanbul, Ankara et Izmir. Cet essor de consommation se manifeste également par l’accroissement de la demande d’éducation et de services de santé »9.

3. Une puissance économique très ambitieuse

Le développement des dernières années a permis à la Turquie de devenir la 17èmeéconomie mondiale. Elle est, à ce titre, membre du G 20. Elle est ainsi devenue « une des plus grandes économies et une des plus grandes industries manufacturières à l’exportation dans la région »10(*).

Autrement dit, la Turquie est une puissance économique de rang mondial. Ce nouveau statut donne au pays de grandes ambitions.

Le Gouvernement a ainsi fixé des objectifs très ambitieux pour 2023, année du centenaire de la fondation de la République. La Turquie souhaite devenir l’une des dix plus grandes économies du monde, en atteignant un PIB de 2 000 milliards de dollars (soit un triplement), un PIB par habitant de 25 000 dollars (soit un doublement) et plus de 500 milliards de dollars de recettes pour les exportations (soit un doublement).

Ce programme comporte aussi des objectifs en termes d’équipements, comme l’a souligné M. Gilles Erdogan, directeur général de Vinci Concessions, lors d’un colloque organisé au Sénat en décembre 20121). Comme il l’indiquait alors, le Gouvernement turc souhaite « construire plusieurs milliers de kilomètres de lignes à grande vitesse, de voies ferrées traditionnelles, de routes à voies séparées et d’autoroutes [ou] installer 60 000 MW supplémentaires et disposer de trois centrales nucléaires ». Pour ce qui concerne plus précisément les chemins de fer, « d’ici à 2023, le but du Gouvernement est d’étendre le réseau des chemins de fer de 14 531 km pour passer à 25 536 km au total. Il est prévu que 10 546 km des voies soient des lignes à grande vitesse »12.

Des projets pharaoniques ont également été lancés, à l’exemple d’un tunnel sous le Bosphore ou, surtout, du projet de troisième aéroport à Istanbul. Cet aéroport devrait être le plus grand au monde, doté de six pistes et pouvant accueillir à terme 150 millions de passagers par an, soit près de deux fois plus que les aéroports de Roissy et d’Orly réunis (ces derniers ont accueilli en 2012 88,8 millions de passagers). Le contrat pour la construction de cet aéroport a été attribué récemment et s’élève à 22 milliards d’euros.

Si certains projets lancés par le Gouvernement peuvent laisser sceptiques et paraître irréalistes à première vue, certains jugent que, « avec le doublement de la productivité et de la participation des femmes dans l’économie du pays, [la Turquie] peut atteindre son but, qui est de faire partie des dix plus grandes économies. Si l’on tient compte des rapides transformations de ces deux dernières décennies et des efforts actuels du gouvernement sur ces questions, atteindre cette cible est possible dans les dix ans à venir ».

Une dernière illustration de la puissance économique de la Turquie est l’émergence d’entreprises qui pèsent dans leur secteur d’activité au niveau mondial. Le meilleur exemple est l’entreprise nationaleTurkish Airlines. Cette entreprise, possédée à 49 % par l’État turc, est devenue le fer de lance de l’économie du pays :

– sa flotte a très fortement progressé au cours des dernières années : elle compte aujourd’hui 215 appareils, soit 65 de plus qu’il y a à peine trois ans ;

– la compagnie a effectué récemment des commandes impressionnantes : 117 Airbus pour un montant de 9,3 milliards d’euros ; des Boeing pour 6,9 milliards d’euros ;

– elle bénéficie d’une excellente situation géographique du fait du hub d’Istanbul, entre l’Europe et le Moyen-Orient, et espère bénéficier de la construction du nouvel aéroport stambouliote.

L’objectif de cette compagnie est de devenir d’ici 2023 l’une des dix premières compagnies aériennes du monde.

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UNE ÉCONOMIE FORTEMENT MONDIALISÉE ET ATTRACTIVE POUR LES INVESTISSEURS

1. Une économie pleinement intégrée dans la mondialisation et qui échange surtout avec l’Union européenne

L’économie turque est pleinement intégrée dans l’économie mondiale, notamment depuis l’entrée en vigueur en 1996 de l’Union douanière avec l’Union européenne (UE).

Comme l’illustrent les graphiques suivants, l’UE constitue le principal partenaire commercial de la Turquie, avec près de 40 % des échanges, la Turquie constituant le septième partenaire commercial de l’UE.

Les exportations de la Turquie vers l’UE se sont ainsi élevées en 2011-2012, selon les données communiquées par la TÜSIAD), à 33,7 milliards d’euros, contre des importations de 50,2 milliards d’euros.

LES CLIENTS DE LA TURQUIE

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Source : Service économique régional de l’Ambassade de France en Turquie.

LES FOURNISSEURS DE LA TURQUIE

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Source : Service économique régional de l’Ambassade de France en Turquie.

2. Les points forts commerciaux de la Turquie

Les principaux postes d’exportation du pays sont l’automobile, le textile, l’électroménager ou encore la sidérurgie, les produits industriels représentant ainsi 95 % des exportations.

Sous l’effet de la concurrence des pays asiatiques dans le secteur du textile, la Turquie a été contrainte de réorienter son appareil industriel vers la production automobile ou les produits électroménagers.

Selon les données de la TÜSIAD, la Turquie est ainsi :

– au niveau mondial : le premier producteur de ciment, le deuxième producteur de verre plat, le premier producteur de bore, le deuxième exportateur de bijoux ou encore le sixième exportateur d’habillement ;

– au niveau européen : le premier fabricant de téléviseurs, le premier constructeur de bus, le troisième fabricant de céramique ou encore le deuxième fabricant de matériaux de construction.

3. Un pays attractif pour les investisseurs étrangers

Le meilleur signe de l’inclusion de la Turquie dans l’économie mondiale est le caractère massif des investissements directs étrangers (IDE) dans le pays.

Le niveau des IDE a ainsi atteint 12,5 milliards d’euros en 2011, ce niveau ayant fortement varié depuis 2007.

LES INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS (IDE) EN TURQUIE (2007-2011, en milliards d’euros)

2007

2008

2009

2010

2011

Montant des IDE

16,1

12,5

5,5

6,9

12,5

Source : Institut du Bosphore.

On compte aujourd’hui en Turquie environ 25 000 entreprises à capitaux étrangers : un tiers des banques et un quart des 500 grandes entreprises sont étrangères.

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LES RELATIONS ÉCONOMIQUES FRANCO-TURQUES : UN POTENTIEL À TRANSFORMER EN TOURNANT LA PAGE D’UNE PÉRIODE DE RELATIONS POLITIQUES EN DENTS DE SCIE

A. DES LIENS ÉCONOMIQUES ANCIENS ET FÉCONDS

1. Des relations commerciales étroites entre la France et la Turquie

Comme l’a souligné l’ambassadeur de Turquie en France lors de sa rencontre avec les membres de la délégation,les relations franco-turques sont très anciennes : elles datent du XVIème siècle.

La France et la Turquie entretiennent aujourd’hui des relations économiques très étroites. Comme l’ont montré les diagrammes figurant dans la première partie du rapport :

la France est le huitième client de la Turquie, avec près de 4,1 % des exportations ;

la France constitue le septième fournisseur de la Turquie avec environ 3,6 % des importations.

Parallèlement, la Turquie constitue le cinquième débouché commercial de la France, hors UE et Suisse, et ceci après les États-Unis, la Chine, la Russie et le Japon. La France est enfin le septième investisseur étranger en Turquie.

Les relations commerciales franco-turques atteignent près de 12,6 milliards d’euros en 2012 : 6,9 milliards d’euros d’exportations de la France vers la Turquie et 5,7 milliards d’euros d’importations en France depuis la Turquie.Notre pays est donc bénéficiaire dans ses échanges avec la Turquie : ce pays représente d’ailleurs le dixième excédent de la France, alors qu’il s’agissait du quatorzième en 2011, et son douzième client dans le monde.

L’ensemble de ces données montrent que la France ne peut se désintéresser du développement économique turc.

2. La présence significative d’entreprises françaises en Turquie

L’importance des liens économiques entre la France et la Turquie est également illustrée par la présence de nombreuses entreprises françaises dans ce pays. On peut citer, entre autres, Alstom, Axa, BNP Paribas, Carrefour, Danone, Groupama, Lafarge, Renault, Schneider, Saint-Gobain, Total…

Le nombre d’implantations d’entreprises françaises est passé de 15 en 1985 à près de 400 aujourd’hui, employant près de 100 000 personnes.

Plusieurs exemples illustrent la place centrale des entreprises françaises dans certains secteurs économiques :

– Axa est la première compagnie d’assurance turque en termes de collecte de primes ;

– TEB (BNP Paribas) est la neuvième banque du pays ;

–  Aéroports de Paris (ADP) est devenu le principal actionnaire (à hauteur de 38 %) de l’opérateur aéroportuaire TAV.

Au cours de leur déplacement, les membres de la délégation ont pu visiter deux sites importants illustrant le rôle économique central joué par les entreprises françaises en Turquie : l’usine Renault située à Bursa et l’usine Alstom située à Gebze.

? Pour ce qui concerne Renault, l’entreprise est présente en Turquie, à Bursa, depuis 1969, par l’intermédiaire de sa filiale Oyak Renault, détenue à 51 % par Renault et à 49 % par Oyak, le fonds de pension de l’armée turque15.

L’usine de Bursa, où la production a commencé en 1971, s’étend sur 51 hectares et emploie plus de 6 000 salariés. Elle a produit en 2012 un peu plus de 300 000 véhicules16, soit près de la moitié de la production locale des véhicules passagers et plus de 13 % de la production totale du groupe Renault. Ainsi, un véhicule sur deux sortant des usines turques est un véhicule Renault et un véhicule sur six vendus en Turquie est un véhicule Renault. Renault est, avec Dacia, le leader du marché turc et si Fiat, Toyota ou Hyundai disposent également d’un site de production dans le pays, l’usine de Bursa est la plus intégrée.

70 % de la production locale d’Oyak Renault est exportée vers l’Europe, ce qui fait de la sociétél’un des premiers exportateurs turcs.

Les membres de la délégation de votre commission relèvent que le secteur automobile est un secteur clé de l’économie turque et un secteur majeur des relations franco-turques :

– les objectifs fixés pour 2023 par le Gouvernement sont d’élever les exportations turques à 500 milliards d’euros dont 150 pour le seul secteur automobile. Le secteur automobile constitue en effet l’un des principaux postes d’exportation de la Turquie. Le Gouvernement souhaite une multiplication par quatre du niveau de production (qui atteint aujourd’hui 1 million de véhicules), une multiplication par trois du nombre de véhicules exportés et par quatre des exportations en valeur ;

– le secteur automobile est le premier poste d’échanges entre la France et la Turquie : il représente près de 19 % des exportations françaises à destination de la Turquie et plus de 30 % des importations en provenance de Turquie. Alors que la Turquie est, comme on l’a vu précédemment, l’un de nos principaux excédents dans le monde tous produits confondu, il s’agit, en matière automobile, du quatrième déficit de notre pays, après l’Allemagne, l’Espagne et le Japon.

– enfin, le marché automobile turc a un potentiel extrêmement important compte tenu de son taux d’équipement très bas par rapport aux pays occidentaux : 140 véhicules pour 1 000 habitants contre par exemple 408 en Bulgarie, près de 600 en Allemagne ou 800 aux États-Unis.

Ces données expliquent le caractère stratégique de la présence de Renault en Turquie : la présence de l’usine à Bursa a permis l’industrialisation de cette ville et le renforcement des relations économiques franco-turques. Au terme de leur visite sur place, les membres de la délégation soulignent qu’Oyak Renault est tout autant une entreprise turque qu’une entreprise française.

Il convient enfin de noter que la présence de Renault a conduit des équipementiers français à s’installer en Turquie, comme Faurecia ou Valeo, cette dernière entreprise disposant à Bursa d’un site employant près de 1000 personnes.

Suite à l’acquisition par l’entreprise de la branche Transmission d’AREVA (T & D), Alstom s’est doté d’une branche dans le secteur de la transmission à haute tension, appelée« Alstom Grid ». L’entreprise est devenue propriétaire de la plus grande usine de transformateurs de grande puissance du monde, créée en 1996 à Gebze et que la délégation de votre commission a eu la chance de visiter.

Cette usine aux dimensions particulièrement impressionnantes, couvrant près de 90 000 m2 et employant environ 1 000 personnes, exporte près de 85 % de sa production et fait partie des 50 premiers exportateurs turcs. Il s’agit donc, comme Oyak Renault, d’un des acteurs essentiels de l’économie turque.

3. Le secteur de l’énergie, un secteur désormais clé des relations économiques franco-turques

Au-delà des entreprises françaises présentes de longue date en Turquie, d’autres entreprises ont essayé d’obtenir des contrats importants dans le pays. Si ADP a finalement abandonné l’appel d’offres pour la construction du troisième aéroport stambouliote, AREVA a obtenu un contrat majeur au cours des dernières semaines.

Début avril, AREVA et Mitsubishi Heavy ont ainsi remporté le contrat de construction d’une deuxième centrale nucléaire turque, qui devrait coûter environ 17 milliards d’euros. Il s’agit de construire quatre réacteurs d’une capacité totale de 4,5 Gigawatts (GW) sur le site de Sinop, au bord de la Mer Noire. La construction devrait commencer en 2017 et le premier réacteur entrera en service à partir de 2023, exploité par GDF Suez.

Le secteur de l’énergie dispose d’un potentiel très important pour les entreprises françaises :la Turquie devrait devenir d’ici dix ans le troisième consommateur européen d’électricité et le gouvernement turc prévoit d’ici là la construction de plusieurs centrales nucléaires sur cette période, pour réduire sa dépendance vis-à-vis des importations de pétrole et de gaz. La consommation énergétique turque augmente en effet très fortement, à un rythme de 8 % par an. Les pouvoirs publics souhaitent donc une augmentation de 77 % de la puissance électrique installée, avec un passage de 54 à 96 GW entre 2012 et 2020.

LES DEUX DOSSIERS QUI EMPOISONNENT LES RELATIONS ÉCONOMIQUES FRANCO-TURQUES

Au cours des rencontres de la délégation de votre commission en Turquie mais aussi à Paris, deux questions sont revenues constamment : la question du génocide arménien et celle des négociations en vue de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.

Les membres de la délégation ne peuvent que souligner que ces deux questions, sur lesquelles la France a adopté une position tranchée au cours du précédent quinquennat, empoisonnent les relations diplomatiques entre les deux pays et nuisent, par ricochet, à leurs relations économiques.

1. Le génocide arménien

La question du génocide arménien et de la position de la France – et plus particulièrement du Parlement français – sur cette question est revenue de façon récurrente au cours du déplacement de la délégation de votre commission.

Il convient de rappeler qu’en 2001, le Parlement français a reconnu l’existence du génocide arménien. Le déroulement de ce génocide est décrit très précisément dans le rapport de notre collègue le Président Jean-Pierre Sueur sur la proposition de loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi.

Le génocide arménien (Extrait du rapport du Président Jean-Pierre Sueur sur la proposition de loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi)

« On peut ainsi rappeler brièvement que, le 1er novembre 1914, l’empire ottoman entre en guerre aux côtés des puissances centrales, sous l’influence de certains dirigeants « jeunes turcs », au pouvoir depuis juillet 1908. Les populations arméniennes, qui réclament leur autonomie depuis la seconde moitié du XIXème siècle, se trouvent alors prises en étau dans le Caucase entre les troupes russes et l’armée turque.

Percevant les Arméniens comme des traîtres au service de l’empire russe, les Jeunes Turcs, par ailleurs animés par une idéologie nationaliste, mènent contre eux une politique répressive particulièrement violente. Fin janvier 1915, les soldats arméniens servant dans l’armée turque sont désarmés, envoyés aux travaux forcés puis exécutés.

Le 7 avril 1915, la ville de Van se soulève et instaure un gouvernement arménien provisoire. En réaction, les dirigeants Jeunes Turcs décident de déporter l’ensemble de la population arménienne en Mésopotamie.

Le génocide commence le 24 avril 1915 avec l’arrestation et l’assassinat de 650 notables arméniens à Constantinople.

Le 27 mai 1915, les autorités ordonnent la déportation vers la Syrie ottomane de la population arménienne d’Anatolie centrale et orientale – les hommes valides étant en général abattus à la sortie des villages, tandis que les femmes, les enfants et les personnes âgées sont déportés à plusieurs centaines de kilomètres de leur région d’origine vers les déserts de Syrie et d’Iraq.

En août 1915, les Arméniens de Cilicie et d’Anatolie occidentale sont à leur tour déportés.

Si le nombre exact des victimes demeure délicat à établir avec certitude (le total des morts oscillerait entre 800 000 et 1 250 000 victimes), il est admis que le génocide de 1915 a conduit à la disparition des deux tiers de la population arménienne de l’Empire ottoman. Outre les Arméniens de Constantinople et de Smyrne, qui paraissent avoir été relativement épargnés, les 600 000 à 800 000 rescapés sont ceux qui ont pu fuir vers le Caucase, l’Iran, les Balkans ou les provinces arabes, ainsi que les femmes et les enfants enlevés ou cachés par des familles turques, kurdes, bédouines, ou encore recueillis par des missionnaires ».

Source : Rapport n° 269 (2011-2012) fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur la proposition de loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi, M. Jean-Pierre Sueur, p. 8-9.

Onze ans après la reconnaissance du génocide arménien, le Parlement français a adopté en 2012 une autre proposition de loi, déposée par la députée Valérie Boyer, visant à réprimer la contestation des génocides reconnus par la loi.

Ce texte visait à punir d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende les personnes qui contestent ou minimisent de façon outrancière publiquement l’existence d’un ou plusieurs crimes de génocide reconnus comme tels par la loi française, ceci en intégrant dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse un dispositif comparable à celui prévu à l’article 9 de la « loi Gayssot » qui sanctionne pénalement la contestation de l’existence de la Shoah.

Le Conseil constitutionnel a finalement invalidé la loi le 28 février 2012 en considérant que le législateur avait porté une« atteinte inconstitutionnelle à l’exercice de la liberté d’expression et de communication ».

L’adoption de cette proposition de loi par l’Assemblée nationale, puis par le Sénat, a conduit à une crise bilatérale particulièrement vive entre la France et la Turquie. Dès l’adoption du texte par l’Assemblée nationale, le Premier ministre turc a annoncé la mise en place de mesures de rétorsion principalement en matière politique et de défense. L’Ambassadeur de Turquie en France a été rappelé en consultations à Ankara. La suppression du groupe d’amitié France-Turquie à la Grande Assemblée nationale de Turquie est une autre illustration de l’impact de cette adoption, ce groupe n’ayant été reconstitué que le 13 mars 2013.

L’adoption de cette proposition de loi n’a pas eu que des conséquences diplomatiques et politiques. Ainsi,les chefs d’entreprises français rencontrés par la délégation de votre commission ont témoigné de l’impact très négatif de cette crise sur l’activité des entreprises françaises : certains contrats ont dû être renégociés, d’autres ont été perdus…

Les membres de la délégation de votre commission soulignent que cette question reste particulièrement sensible, ceci malgré la décision du Conseil constitutionnel : elle est revenue de façon quasi systématique au cours des entretiens avec les responsables politiques et économiques. Le vote de la proposition de loi a été vécu comme une atteinte à l’honneur de la Turquie par les responsables politiques et comme une ingérence intolérable.

La question du génocide arménien ne constituait pas une thématique du déplacement de la délégation de votre commission. Pour autant, au vu de l’impact économique de l’adoption de la proposition de loi mentionnée précédemment et du caractère épidermique de cette question en Turquie, les membres de la délégation souhaitent formuler plusieurs observations :

une ouverture semble commencer à se faire jour dans une partie de l’opinion turque sur cette question qui est restée longtemps méconnue, comme l’ont souligné plusieurs interlocuteurs de la délégation. Si le Gouvernement turc estime que les évènements de 1915 sont des évènements dramatiques mais qui se sont déroulés pendant une guerre qui a fait de nombreuses victimes de part et d’autre, la presse et la littérature commencent à évoquer le sujet ;

– il est évident que, sans porter de jugement sur le fond, toute nouvelle loi sur le sujet conduirait à une nouvelle crise bilatérale et aurait un impact négatif sur les relations économiques entre les deux pays. Le Gouvernement turc est d’ailleurs très clair sur le sujet. Dans une interview au journalLe Figaro à l’occasion d’une visite en France en avril dernier, M. Bülent Arinç, vice-Premier ministre turc, indiquait ainsi que « le gouvernement turc attend de François Hollande l’assurance que le dossier du génocide arménien ne soit pas rouvert en France, après la censure par [le Conseil constitutionnel] début 2012 de la loi pénalisant sa négation », soulignant que « si un nouveau texte [était] présenté, la Turquie se réserv[ait] le droit de revenir aux sanctions qu’elle avait levées au lendemain de l’élection de François Hollande » ;

– dans ces conditions, peut-être serait-il plus utile de demander à la Turquie de confirmer par des gestes concrets l’engagement d’une réflexion historique sur la base de ce qui a été proposé par les protocoles turco-arméniens signés à Zurich en 2009.

2. La question de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne

La Turquie a signé en 1963 un accord d’association avec la Communauté européenne : il s’agit du plus ancien candidat à l’adhésion à l’UE

Si le pays n’est donc pas membre de l’UE, une Union douanière existe depuis 1996 entre l’UE et la Turquie. En 1999, au sommet d’Helsinki, la Turquie est devenue officiellement un pays candidat à l’adhésion à l’UE. En 2004, la Commission européenne a décidé que la Turquie remplissait les critères de Copenhague et le 3 octobre 2005, les négociations d’adhésion ont été officiellement ouvertes.

Cependant, à partir de 2007, le président de la République française, M. Nicolas Sarkozy, a mis son veto à l’ouverture de cinq chapitres de négociations. Depuis l’ouverture des négociations, 13 des 35 chapitres ont ainsi été ouverts et une douzaine restait bloquée jusqu’il y a peu, soit par Paris, soit par Chypre, soit par l’Union européenne.

Depuis l’arrivée au pouvoir de François Hollande, des signes plus positifs ont été envoyés à la Turquie par la France. La France a levé son opposition systématique à l’utilisation du mot« adhésion » dans les conclusions du Conseil européen. Le 12 février dernier, la France a même décidé de débloquer un des cinq chapitres de négociation, le chapitre 22 portant sur la politique régionale.

Au-delà de ce rappel historique et sans prendre position sur la question de l’opportunité de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, les membres de la délégation de votre commission souhaitent formuler plusieurs remarques :

– il est indéniable que les négociations en vue de l’adhésion du pays à l’UE ont permis la mise en oeuvre de réformes, notamment institutionnelles, en Turquie. Afin de répondre aux critères de Copenhague, la Turquie a ainsi réformé son code civil, renforcé les droits des femmes ou encore adopté un nouveau code pénal. Ces négociations ont conduit également à la réduction des pouvoirs de l’armée turque : en juillet 2011, les principaux chefs de l’armée ont d’ailleurs démissionné, en signe de protestation contre la perte d’influence de l’institution. Encore récemment enfin, la Turquie a, dans la perspective du processus d’adhésion, renforcé son droit des migrants : une loi, demandée de longue date par l’UE, a ainsi été adoptée : une administration spécifique s’est vue confier la gestion des migrants, alors que cette dernière relevait jusqu’à présent de la police, dans un flou juridique total critiqué par les associations de défense des droits de l’homme ;

– pour autant, la situation des droits de l’homme en Turquie reste très préoccupante : en l’état actuel des choses, le pays ne peut pas adhérer à l’UE. De nombreux journalistes ou députés sont ainsi en prison, comme l’ont rappelé des députés de l’opposition membres du groupe d’amitié France-Turquie rencontré par la délégation de votre commission à la Grande Assemblée Nationale Turque. La Turquie est par ailleurs très régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ;

– enfin, la position adoptée par la France sous le précédent quinquennat a été très mal perçue par les Turcs et a nui au développement des relations économiques franco-turques. La décision de gel de cinq chapitres a été vécue comme une humiliation par le Gouvernement turc ; la TÜSIAD estime que l’insistance de la France à s’opposer à l’entrée de la Turquie dans l’UE a causé du tort à la relation franco-turque. La décision du Président Hollande de débloquer un des cinq chapitres a donné lieu à des réactions contrastées : l’absence d’une annonce sans équivoque quant à la levée du blocage de principe à l’adhésion de la Turquie a déçu.

Au terme de ce déplacement, les membres de la délégation de votre commission estiment unanimement qu’une question se pose : la Turquie souhaite-t-elle réellement intégrer l’Union européenne ?Cette question posée très directement à certains interlocuteurs turcs de la délégation n’a pas pu obtenir de réponse claire. Un responsable de l’AKP rencontré par la délégation a même estimé qu’il convenait que les Européens donnent des signes pour encourager les Turcs à vouloir adhérer à l’UE.

Le premier élément de réponse à cette question se trouve dans une autre question : la Turquie a-t-elle réellement intérêt à adhérer à l’Union européenne ? En temps que membre de l’Union douanière, elle profite déjà largement du marché européen. Près de 50 % du droit communautaire relatif au marché intérieur a d’ores et déjà été transposé : l’économie turque est ainsi pleinement intégrée au marché unique européen et l’application des normes européennes favorise l’exportation des produits turcs. Par ailleurs, la crise de l’euro semble avoir refroidi l’enthousiasme turc. Le discours actuel du Gouvernement, relayé par plusieurs interlocuteurs de la délégation, est révélateur : il met en avant la puissance économique turque face aux économies européennes en crise, soulignant que l’UE a davantage besoin de la Turquie que l’inverse.

Un deuxième élément important estle fléchissement sensible du soutien de la population turque à l’adhésion. Le soutien de la population a en effet fortement reculé au cours des dernières années, passant de 70 à 30 %. D’après les sondages évoqués par certains interlocuteurs de la délégation, seuls 25 % des Turcs pensent que la Turquie adhérera à l’UE, 92 % estiment que la Turquie n’est pas traitée loyalement par l’UE et 73 % relèvent que le processus de négociation a aidé la Turquie à se réformer. Ce fléchissement est imputé par la classe politique turque à l’attitude de l’UE à l’égard de la Turquie.

Enfin, le Gouvernement turc est très réticent à ouvrir certains chapitres des négociations, notamment ceux relatifs à la politique de la concurrence et à la commande publique. L’ouverture de ces chapitres, qui conduirait notamment à remettre en cause certaines aides publiques, pourrait nuire à l’économie turque et le Gouvernement ne veut pas y renoncer sans avoir de certitude quant à l’adhésion à l’UE.

UN POTENTIEL DE DÉVELOPPEMENT DES RELATIONS ÉCONOMIQUES EXTRÊMEMENT IMPORTANT

Si les relations économiques franco-turques ont été freinées au cours des dernières années par la question arménienne et par l’opposition de la France à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, les membres de la délégation de votre commission estiment que le potentiel de développement de ces relations économiques est extrêmement important et que plusieurs éléments sont à ce titre rassurants.

1. Malgré la crise politique, des relations économiques qui continuent de se développer

Malgré un contexte politique particulièrement difficile, les liens commerciaux entre nos deux pays ont continué à se développer.

Ainsi, en l’espace de cinq ans, les exportations de la France vers la Turquie ont progressé de près de 35 %, en conséquence non pas d’une meilleure pénétration des produits français mais de la progression des importations turques sous l’effet du taux de croissance très élevé.

Comme indiqué précédemment, les exportations de la France vers la Turquie ont atteint 6,9 milliards d’euros en 2012, contre 5,7 milliards d’euros pour les importations.

L’ÉVOLUTION DU COMMERCE BILATÉRAL ENTRE LA TURQUIE ET LA FRANCE (en milliards d’euros)

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La part de marché de la France a cependant tendance à s’éroder depuis dix ans, avec une réduction de près de moitié depuis 2004.

EVOLUTION DE LA PART DE MARCHÉ DE LA FRANCE EN TURQUIE (en %)

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2. D’autres pays ont adopté la même position, par exemple sur l’adhésion de la Turquie à l’UE, sans créer de crise bilatérale

Par ailleurs, les deux freins que constituent la question du génocide arménien et l’opposition de la France à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne peuvent être surmontés : de nombreux pays européens, au premier rang desquels l’Allemagne, partagent notre position.

Les membres de la délégation rappellent ainsi que, comme le soulignait le Président Sueur dans le rapport précité, depuis 1965, près d’une quinzaine de parlements étrangers, le Parlement européen et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, entre autres, ont officiellement reconnu l’existence du génocide arménien, généralement par le recours à des résolutions parlementaires.

Ainsi, le Parlement européen a affirmé, dans une résolution en date du 18 juin 1987, que « les évènements tragiques qui se sont déroulés en 1915 contre les Arméniens établis sur le territoire de l’Empire ottoman constituent un génocide au sens de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU le 9 décembre 1948 » tout en considérant que « la Turquie actuelle ne saurait être tenue pour responsable du drame vécu par les Arméniens de l’Empire ottoman et [que] la reconnaissance de ces évènements historiques en tant que génocide ne peut donner lieu à aucune revendication d’ordre politique, juridique ou matérielle à l’adresse de la Turquie d’aujourd’hui ».

Pour ce qui concerne l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, la France n’était pas la seule à s’opposer à cette perspective. Ainsi la chancelière allemande Angela Merkel a souligné à plusieurs reprises ne pas être favorable à l’adhésion de la Turquie, mais dans une dialectique plus subtile. En février dernier, lors d’un déplacement en Turquie, elle a ainsi indiqué suite à un entretien avec le Premier ministre turc : « même si j’ai des réserves sur une adhésion pleine et entière de la Turquie, je veux que les discussions se poursuivent ».

3. Un terreau favorable au développement des relations économiques franco-turques

Au terme de leur déplacement, les membres de la délégation de votre commission estiment que les relations économiques franco-turques peuvent durablement se développer :

– il faut rappeler que la France a été une source d’inspiration pour la Turquie. La Turquie moderne a ainsi beaucoup emprunté à la France dans les domaines juridique et institutionnel, comme le système centralisé. La France a servi également de référence pour avoir unifié la langue du pays ;

une partie des élites politiques et économiques turques est francophone et francophile, comme la délégation de votre commission a pu le constater sur place. Les lycées français en Turquie sont très réputés ;

les besoins en infrastructures de la Turquie et les objectifs fixés pour le centenaire de la République constituent une occasion pour les entreprises françaises : ils ouvrent des opportunités intéressantes pour les grands groupes français notamment dans les domaines de l’énergie, des transports ou encore des infrastructures urbaines ;

– enfin, les rencontres de la délégation de votre commission avec la TÜSIAD ou le DEIK ont montré que le patronat turc souhaite développer les liens avec la France.

Les membres de la délégation estiment qu’une visite du Président de la République en Turquie serait un atout pour le développement des relations économiques franco-turques.

suite du rapport

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