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Californie : Le paradoxal rejet du gaz de schiste

COURRIER INTERNATIONAL

par Virginie Lepetit

Un mois après son investiture, Jerry Brown, le gouverneur démocrate de la Californie, qui a fait campagne notamment sur le thème d’un Etat « vert », fait face à des manifestations et des pétitions : il n’a toujours pas interdit la fracturation hydraulique. Et ça passe mal.

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Manifestations en septembre 2014 contre la fracturation hydraulique – Robyn Beck/AFP

Que se passe-t-il avec le gouverneur Jerry Brown ? Alors que, pour sa réélection, il avait fait campagne sur le thème de l’environnement, affichant l’ambition de faire de la Californie l’Etat le plus vert des Etats-Unis, il n’a pas pris de mesure pour interdire la fracturation hydraulique, la méthode contestée qui permet d’exploiter le gaz de schiste, en injectant de l’eau et des produits chimiques sous pression dans la roche pour la fracturer et libérer les hydrocarbures.

C’est un vrai paradoxe, souligné par cet éditorial du Los Angeles Times, il y a une semaine. « Le gouverneur Jerry Brown a fait plus pour combattre le changement climatique que n’importe quel autre élu des Etats-Unis. Alors pourquoi les militants écologistes le chahutent-ils pendant ses discours ? La réponse tient en un mot : le fracking. Autrement dit la fracturation hydraulique. »

La défense de Brown, elle, tient en une phrase. « Je défie quiconque de trouver un autre Etat qui lutte autant contre le changement climatique. » La Californie doit réduire ses émissions de CO2 de 25 milliards de tonnes d’ici à 2020. D’ici là, un tiers de l’électricité californienne viendra de ressources renouvelables, avance-t-il.

Fracturation contre sécheresse

Mais Jerry Brown peut-il être un champion crédible de l’action climatique s’il ne rejette pas le fracking, s’interroge le Los Angeles Times.Comment soutenir l’expansion d’une industrie décrite comme polluante, et qui requiert à elle seule entre 7 et 30 millions de mètres cubes d’eau par an, alors même que l’Etat subit une sécheresse sans précédent ? Qui fragilise le sous-sol et provoque des miniséismes, dans une région sujette aux tremblements de terre, rappelle le Center of Investigative Reporting ? Qui a par ailleurs fait l’objet d’un nouveau moratoire dans l’Etat de New York, en décembre 2014, sur la base des préoccupations pour la santé publique ?

Les Californiens ont bien du mal à le comprendre. C’est ce qu’ils ont exprimé le 9 février, en défilant par milliers à Oakland, pour ce qui était sans doute la plus grande manifestation jamais vue contre la fracturation hydraulique, souligne le Huffington Post.

L’argument économique fait pschitt

Le principal argument en faveur du fracking, au-delà du sacro-saint dogme de l’indépendance énergétique américaine, c’est l’économie : l’exploitation du gaz de schiste est pourvoyeur d’emplois et de revenus. Est, ou plutôt était. Car, avec la chute des cours, cet argument ne tient plus. « Continuer à produire du pétrole de schiste, comme le font les Américains, est un non-sens au vu des cours actuel du brut, qui ont chuté d’environ 50 % depuis juin 2014 », estimait le 11 février Viktor Zubkov, le patron du géant russe de l’énergie Gazprom, au forum international de l’énergie à Ryad.

D’autant que dans le même temps les réserves de Californie, scandaleusement surestimées, ont été revues à la baisse… Et réduites de 96 % ! Au final, en Californie, l’exploitation du gaz de schiste est loin d’avoir débouché sur un boom pétrolier, avance le San Francisco Chronicle.

En réalité, analyse le Los Angeles Times, tout est une question de timing. Pour l’heure, Jerry Brown a d’autres chats à fouetter dans son Etat. Mais il est difficile de croire qu’il donnera le feu vert à une poursuite de la fracturation hydraulique. Pour le quotidien californien, il attendra probablement l’été, et une étude complète, pour annoncer que le fracking n’a pas sa place dans le futur de la Californie.

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